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Critique de eugenange


Auster a mis un certain temps à émerger. Il est l'écrivain du nomadisme, du hasard, de l'imprévu, des coïncidences et des coups d'oeil du destin, qui semble jouer aux dés avec vous, à moins que ce soit à la roulette russe !   
  En 2000, il lance un appel à la radio : «  J'ai expliqué aux auditeurs que je cherchais des histoires. Celles-ci devraient être vraies, elles devraient être brèves, mais il n'y aurait aucune restriction quant aux sujets ni au style. Ce qui m'intéressait le plus, ai-je précisé, c'étaient des histoires non conformes à ce que nous attendons de l'existence, des anecdotes révélatrices des forces mystérieuses et ignorées qui agissent dans nos vies, dans nos histoires de famille, dans nos esprits et nos corps, dans nos âmes.
En d'autres termes, des histoires vraies aux allures de fiction. Les gens allaient explorer leurs vies et leurs expériences personnelles, mais en même temps ils s'associeraient à un effort collectif, à quelque chose de plus vaste que chacun d'eux »
    173 récits vont émerger parmi les milliers qu'il reçoit. Des récits brûlants comme une lampée de whisky bu cul sec. Ou de vodka….Pari réussi. La vie a vraiment l'air d'une fiction. Est-ce dieu, ou plutôt le diable, qui vous fait un clin d'oeil là-haut ?…
  Des histoires parfois très courtes, mais ayant une force incroyable !Au travers des 42 états parcourus, jeunes et vieux, femmes esseulées, précaires, gagnants et perdants dressent un portrait d'une Amérique étrange. le lecteur, tout à son imaginaire, superposera inconsciemment les tableaux de Hooper, les bouquins de Carver, les musiques de country ou de blues. 
Les récits sont liés souvent à une rencontre étrange, déterminante, à un traumatisme, une illumination, un de ces fils qui conditionne le déroulement du destin, et qui nous ferait croire que cela était écrit dans le grand livre. Peut-être que la croyance en l'irrationnel, et en la main du destin, nous sont-ils utiles pour ne pas basculer dans la folie ?
"Notre salle à manger se trouvait sur le coté nord de la maison. Il y faisait toujours sombre. Sur la table j'aperçus un papier jaune froissé, et en un instant terrible tout me devint évident. Sur ce papier étaient marqués les plus redoutés de ces années de guerre : Nous avons le regret de vous informer ! "
 Ainsi cet Américain de la première génération, qui se souvient de ses années de jeunesse, en Hollande. Il a 11 ans, en 44, sur fond de débâcle Allemande, quand la Wehrmacht recrutait de tous jeunes soldats :
     « Toutes les mères se retournèrent. C'était le bruit d'un enfant qui pleure. Sur le seuil de la maison de M. Campen, un soldat était assis, son fusil appuyé contre lui, le visage caché dans sa capote. Il tentait de ravaler ses sanglots, et puis renonça. ….Une mère s'approcha de lui et lui parla doucement, en allemand. « Qu'est-ce qui ne va pas, demanda-t-elle » ...Elle se penchait vers lui en lui parlant, et quand elle eut fini, elle se releva et nous annonça : » Cette guerre doit être presque terminée. Il a seize ans et n'a eu rien à manger aujourd'hui….Un officier allemand marchait dans la rue à peu de distance. J'avais peur, et très froid. Les mères réussirent à revenir à temps. Une pomme de terre cuite, un bout de pain, une pomme ridée passèrent de main en main jusqu'au garçon. L'officier arrivait. L'enfant redevint un garçon. « Danke ! » Dit-il. Et puis il se leva et reprit son fusil. Les moteurs des camions démarrèrent. Nous pouvions rentrer. Jusqu'à la fin de la guerre, pendant toute ma vie, j'ai gardé le souvenir de ce soldat qui pleurait. Il avait le même âge que ma soeur ! » (Mieke C. Malandra- Lebanon, Pennsyvalnie)
Le désenchantement ressemble parfois à cette « saudade » Portugaise, faite d'un spleen à propos du pays natal qu'on a quitté, dont on n'a pas fait le deuil. le thème de l'exil, de l'exode permanent, à la recherche d'une frontière illusoire, du pays d'après, est constitutionnel de bien des histoires américaines :
     « J'ai toujours envié les gens qui peuvent retourner sur les lieux de leur enfance, ceux pour qu'il existe un endroit où ils se sentent chez eux. » Nous dit, à travers Paul Auster, un certain Timothy Akerman-(Californie).
Le désenchantement ressemble parfois à cette « saudade » Portugaise, faite d'un spleen à propos du pays natal qu'on a quitté, dont on n'a pas fait le deuil. le thème de l'exil, de l'exode permanent, à la recherche d'une frontière illusoire, du pays d'après, est constitutionnel de bien des histoires américaines !
Il y a quelque chose aussi de Russe chez Auster. On pense aux récits émergeant de "Guerre et paix" de Tolstoï, avec son humanité prodigieuse, et aussi aux témoignages fascinants et profondément humains que Svetalana Alexievitch a accumulé pour composer ce formidable livre qu'est " La fin de l'homme rouge"
Mais j'ai pensé aussi à ceux de Vassili Grossman l'auteur de "vie et destin"
Bref un très beau livre qu'on a envie de garder
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