Je l'aime ma mère. Je l'aime parce qu'elle me fait pitié. Elle met des oignons dans tous ses plats, pour pouvoir pleurer en paix.
Il y a toujours des petits détails qui nous trahissent et nous rappellent d'où l'on vient.
Je me doute que tu n'aimes pas tout ce que je fais, que tu ne cautionnes pas et c'est normal ! Mais quand même, j'ai une question. Si j'étais née dans une famille bien, dans une ville bien, avec une éducation bien, j'aurais forcément été une fille bien, Allah. Je me serais mariée avec un homme bien et j'aurais fait des enfants bien. Mais c'est pas comme ça que ça s'est passé au départ. Tu avoueras que je suis parties avec vachement plus d'emmerdes ! Comment tu vas faire pour me juger ?
Est-ce que j'aurai un plus beau jour de ma vie, moi ? En fait, ce que je veux te dire, Allah, c'est : est-ce qu'on peut échapper à son destin ?
Pour le patron, je suis une fourmi, comme les milliers qu’il tue chaque jour en allant au bureau.
Ce qui anime ma foi c'est de t'aimer, t'aimer m'a permis de m'aimer et m'aimer m'a permis d'aimer. (p. 87)
Mais j’ai déjà de beaux habits, je mange les restes pratiquement tous les jours et ma chambre, je l’ai pour une dizaine de fellations par mois. J’ai déjà économisé 1 000 dinars. Merci Allah !
Le bien et le mal n'existe pas. Tu es bien trop subtil pour ça. Allah, tu n'es que nuances et c'est pour ça que je t'aime.
Ce n'est plus pour manger, c'est pour m'acheter des trucs. Des trucs en plus. Et aussi, pour la première fois de ma vie je ne vais pas subir et ça je veux le vivre.
Tafafilt, c’est la mort. Et pourtant j’y suis née. Je m’appelle Jbara, j’ai seize ans. Il paraît que je suis belle, mais je ne le sais pas. Il me pénètre et moi je ne pense qu’à mon Raïbi Jamila, un délicieux yaourt à la grenadine qu’on boit par-dessous, en faisant un petit trou. Je me doute bien que ce que je fais, c’est Haram. Vu qu’il n’y a rien à Tafafilt, je me dis qu’Allah ne me voit pas. Avec un peu de chance… je regarde les yaourts, le paquet de biscuits au chocolat, les chewing-gums dans le sac en plastique… Lui, il gémit comme un porc. Heureusement, il est derrière. Lui, il s’appelle Miloud. Il est marron, il est amer, il me débecte. C’est un berger. Il habite dans un bled à une cinquantaine de kilomètres de chez moi. Il passe de temps en temps faire du commerce avec des mecs comme lui… Et se faire du bien avec moi. Moi, je m’en fous. J’ai mon raïbi Jamila. Pour moi, c’est le summum du plaisir. Je suis pauvre et j’habite dans le trou du cul du monde. Avec mon père, ma mère, mes quatre frères et mes trois sœurs. Je suis une bergère et je ne connais rien d’autre. Mes brebis sont tout ce que j’ai. Non, j’ai ma mère aussi. J’aime ma mère, je l’aime parce qu’elle me fait pitié. Elle met des oignons dans tous ses plats pour pouvoir pleurer en paix. Le plus dingue pour moi, c’est qu’elle supporte mon père. Mon père est un gros connard chez qui je déteste tout ! J’ai beau essayer d’avoir pitié de lui, je n’y arrive pas. Quand il parle, il a du blanc au coin des lèvres, ça me dégoute ! Je sais que je suis injuste, il n’y est pour rien. C’est qu’un con !