« Ce barbu européen
A affirmé que le capitalisme est un monde d'obscurité
Tandis que le communisme est un monde de lumière. […]
Le monde de lumière de ce barbu est un abîme
Où il fait un noir d'encre. » [Prologue] ●
Il s'agit d'un recueil de sept nouvelles écrit par un Nord-Coréen qui se donne pour pseudonyme Bandi, signifiant « luciole » car il brille dans la nuit de son pays obscurantiste et totalitaire. Ce recueil nous est parvenu par miracle grâce au courage de son auteur et de ceux qui ont bien voulu s'occuper de le faire sortir de Corée du Nord. ● Dans la première nouvelle, « L'Orme-Trésor », un vieil homme pour qui cet arbre constitue son symbole personnel du communisme, est horrifié et furieux que des membres du parti veuille lui en couper de grosses branches. ● Dans « La ville des spectres », une femme tient à laisser ses doubles-rideaux fermés pour que son fils ne voie plus le portrait de Marx sur la place sur laquelle ses fenêtres donnent car il lui fait peur. ● Dans « Si près, si loin », un homme ne peut pas aller voir sa mère mourante alors qu'elle n'est pas loin de chez lui. ● Dans « La Fuite », un homme soupçonne sa femme de le tromper avec un membre du Parti. ● « Pandémonium » décrit l'enfer que vivent des voyageurs obligés d'attendre que le train du dirigeant passe pour reprendre leur voyage. ● « La Scène » raconte les lamentations obligatoires des Nord-Coréens à la mort de
Kim Il-sung et l'accusation ubuesque dont va être l'objet un homme à ce sujet. ● Dans « Champignon rouge », on voit un homme honnête, bon et loyal se battre pour obtenir de bons résultats dans son usine de pâte de soja et finalement accusé d'être un tire-au-flanc parce que le Parti avait découvert que son beau-frère, porté disparu pendant la guerre de Corée, était en réalité passé au Sud. ● Il est très difficile de faire une critique littéraire de ce recueil car on ne peut qu'adhérer à
la dénonciation des infamies à laquelle l'auteur se livre ; on ne peut aussi qu'admirer son courage, car même s'il publie sous pseudonyme, le simple fait d'écrire et de cacher chez lui ces textes pendant de longues années constitue dans on pays un acte de bravoure que peu se risqueraient à faire. ● Il est crucial que des témoins écrivent sur cette dictature épouvantable où tout le monde surveille tout le monde et où une peccadille faite par votre grand-père entraîne sur des générations le sceau de l'infamie et suffit à vous faire déclarer sans rémission possible « hostile au régime », où les petits chefs s'en donnent à coeur joie sur ceux qu'ils peuvent opprimer avec l'assentiment du Parti. ● Néanmoins, je dois dire que je n'ai pas été entièrement convaincu. Je trouve que sa dénonciation manque de puissance dans ces historiettes à la construction inégale. La préface et la postface font allusion à
Soljenitsyne, je pense qu'on en est loin. ● Je dois dire que j'ai trouvé bien meilleure
la dénonciation de ce régime immonde dans le livre de
D. B. John,
L'Etoile du Nord.