AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de beatriceferon


Le commissaire Dupin profite d'un moment de détente bien mérité. Il observe les manoeuvres des manchots à l'Océanopolis de Brest. Dans quelques minutes commencera un ennuyeux séminaire auquel sa présence est requise. Et le voilà sauvé, non par le gong, mais par un coup de fil de ses inspecteurs. Dans le parking de Port-Bélon, une vieille dame a signalé la présence d'un cadavre. Malgré la pluie diluvienne, Dupin se hâte vers la scène de crime... qui n'en est plus une. A son arrivée, le corps a disparu. Plus la moindre goutte de sang. Faut-il taxer le témoin de démence sénile ? Il s'agit de Sophie Bandol,une ancienne actrice dont le commissaire a vu tous les films. Et elle lui paraît en pleine possession de ses moyens.
L'affaire se complique lorsqu'un autre corps est découvert à quelques kilomètres de là. Y a-t-il un lien entre les deux hommes ?
« L'inconnu de Port-Bélon » est la dernière enquête de Dupin parue en format poche. Je vais donc en profiter puisque je devrai quitter mon cher commissaire pendant un bon moment.
Ce qui me plaît tout particulièrement, c'est que l'auteur décrit son pays d'adoption avec tant de coeur et de brio qu'on a envie de boucler sa valise et de partir découvrir les lieux toutes affaires cessantes.
Lorsqu'on entame cette lecture, on a l'impression de s'être trompé d'histoire. Et quoi ? Notre policier aurait-il été muté dans le grand nord ? Et-il exilé sur la banquise ? Il y observe un manchot royal confronté à un groupe de manchots papous. Certes, il adore ces bestioles, mais au point de partir loin de sa Bretagne bien aimée ? Notre rebelle s'octroie une pause dans un parc océanographique, car, à l'idée de devoir suivre des discours pédants, il bâille déjà.Une nouvelle enquête l'en dispense, heureusement, et elle s'annonce ardue puisqu'il s'agit d'un meurtre sans cadavre.
Ce quatrième épisode de la série est très touffu. On a l'impression que Dupin erre dans tous les sens, sans bien savoir ce qu'il cherche précisément. Il interroge des ostréiculteurs, puis des entrepreneurs véreux et sans scrupules. Ici, il croise une étrange troupe de druides, là une actrice jadis célèbre et à présent octogénaire. Face à cette femme à laquelle il voue un véritable culte, Dupin est perplexe. Ne le mène-t-elle pas en bateau ? Quand elle ne lui avoue pas qu'elle est, en réalité, la jumelle de Sophie, elle prétend retrouver des détails importants pour l'enquête dans ses rêves . Dupin est embarrassé. Ne s'agit-il pas, comme le suggèrent ses collaborateurs, d'une originale, un peu sénile, qui profite de l'affaire pour retrouver les faveurs de la presse ?
Ce roman met en scène un autre Dupin, celui qui est vulnérable. Il souffre de terribles maux d'estomac et son médecin lui interdit son carburant fétiche, celui sans lequel il ne peut faire fonctionner ses petites cellules grises, j'ai nommé le café fort.
Je me sens de tout coeur avec lui, car, si je peux me passer de bien des choses, il n'est pas question, pour moi non plus, de me priver de café !
Dans ses autres aventures, on le voit courir à gauche et à droite, tandis que Nolwenn, sa fidèle assistante, lui rappelle sans cesse de téléphoner à Claire, qui se morfond loin de lui, puisque son métier de chirurgienne cardiaque la retient à Paris. Ici, Claire va prendre une place beaucoup plus importante.
Le Ber, son inspecteur préféré, prépare un examen de culture celtique. Il évoque, pour notre plus grand plaisir, une foule de détails et anecdotes ésotériques et curieux. Quant à Labat, l'autre inspecteur, qui n'a pas son pareil pour faire sortir son supérieur de ses gonds, il s'est fourré dans un sale pétrin. Il s'est mis en tête de découvrir seul, en secret, quel gang de malfaiteurs détruit les plages du pays en volant du sable. C'est un comble : Dupin, pour le sauver, est obligé de le couvrir et se trouve bientôt lui-même en fâcheuse posture.
Dans les romans de Donna Leon, que j'affectionne, Brunetti est confronté à un chef borné et imbu de sa personne. Dans ceux de Camilla Läckberg, Patrick Hedström doit suppléer aux carences de Mellberg, qui se prend pourtant pour un génie. Mais ces deux imbéciles ont, malgré tout, quelques côtés sympathiques ou amusants. Ce n'est pas le cas du préfet Guenneugues, dont Dupin n'arrive même pas à prononcer le nom, et qui semble tout mettre en oeuvre pour saborder ses enquêtes. C'est un idiot odieux et infatué de lui-même qui, après lui avoir mis des bâtons dans les roues, retourne la situation de manière à pouvoir se glorifier lui-même et ceindre les lauriers qui reviennent à son subordonné : « Ah, j'ai vraiment eu une inspiration de génie ! Enfin, vous vous êtes bien débrouillé, vous aussi, il faut le souligner. » Il me rappelle certains chefs d'établissement que j'ai eu à supporter au cours de ma carrière, et auxquels j'aurais volontiers tordu le cou.
Le pauvre Dupin est donc un peu perturbé pendant cette difficile enquête. La météo est à l'image de son humeur : « La Bretagne compte deux saisons : la brève saison des averses continues et la longue saison des courtes pluies. »
Pour se consoler, Dupin va manger de bons repas dans ses lieux de prédilection et Jean-Luc Bannalec fait saliver son lecteur en expliquant l'une ou l'autre recette. On n'a qu'une envie : courir chez un écailler et acheter des huîtres, même si Dupin, lui, les a en horreur.
Au détour d'un bois, « un homme coiffé d'un bandeau doré rehaussé de branches de gui, déclamait quelques mots d'une voix puissante et solennelle. » « Avant et après le coucher du soleil, des âmes impures erraient (…) dans l'espoir insensé de trouver une rédemption » et « l'Ankou, sombre créature armée d'une faux » rôde à tous les carrefours. Tout cela crée une atmosphère un peu angoissante, un peu lourde, à l'image de cette enquête qui mène notre héros jusqu'en Écosse, mais qu'il parviendra à dénouer au bout de trois jours, qui semblent durer trois semaines, et le laissera un peu triste, un peu amer.
Nous avions déjà croisé Skippy, un kangourou incongru, qui se plaisait dans un paysage proche de son Australie natale. Ici, c'est Kiki, un grand requin pèlerin, qui a l'air fort effrayant et n'est pourtant qu'un paisible mangeur de plancton.
Cette aventure m'a énormément plu et j'attends la suivante avec impatience.
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}