— Alyssa, je te présente Kaciane.
Elle m’examine scrupuleusement et hoche la tête en signe de reconnaissance.
— Alors c’est toi, la grande disparue. Tu es revenue pour combien de temps ?
Son ton pue la compétition.
Vincent semble attendre la réponse aussi impatiemment qu’elle.
— Je ne sais pas exactement.
Elle bouge la tête lentement de haut en bas.
— Est-ce que ça fait longtemps que vous vous fréquentez ? questionné-je.
— Assez longtemps pour que j’entre sans cogner, comme tu as pu le constater ! déclare-t-elle d’un ton satisfait.
— Mais pas assez longtemps pour que tu aies une clé ! Tu t’es pratiquement excusée d’être entrée parce que la porte était déverrouillée, exposé-je.
Elle accuse le coup en me fusillant du regard.
— Il y a un an, ma blonde, la femme de ma vie, celle qui devait emménager avec moi, a disparu sans un mot. Après des semaines de recherches intensives et d’interrogatoires de tes sœurs, j’ai réussi à leur soutirer l’information que tu leur parlais une fois par mois, mais jamais au même moment. Une façon stratégique de t’assurer que personne d’autre qu’elles ne soit là. Que je ne sois pas là. Même si j’ai essayé. Je suis certain que tes sœurs te l’ont dit puisque tu leur as mentionné que je devais arrêter. Sans aucune explication. Il me semble qu’aujourd’hui je mérite un minimum d’éclaircissements sur la raison de ta disparition sans avoir à m’excuser de fréquenter une autre femme.
— Je n’accepte pas ton offre.
Sa déclaration me prend au dépourvu. Je regarde le notaire, qui semble aussi stupéfait que moi, puis j’examine Vincent.
— Les termes financiers sont-ils adéquats ? vérifié-je en alternant mon regard entre les deux hommes.
— Oui, confirme Me Dupuis. Selon l’évaluation actuelle du marché et le montant que vous aviez payé pour cette résidence l’an passé, la somme est tout à fait raisonnable.
— Ce ne sont pas les chiffres qui m’importent, déclare Vincent. Je ne signerai pas ce contrat.
— Pourquoi ?
— Parce que ça signifierait que je laisse aller la seule chose qui m’unit encore à toi. Et je ne veux pas ça.
— Je suis désolée.
— Désolée ? répète-t-il d’un ton arrogant en s’avançant nonchalamment. Pourquoi ? Pour être disparue sans donner de raison ? Pour avoir refusé de me parler lorsque tu discutais avec tes sœurs ? Ou pour m’avoir laissé en plan avec une maison à payer ?
— J’ai voulu payer ma part, mais tu n’as jamais accepté les virements.
Il s’approche brusquement de moi, éliminant la distance qui nous séparait. Puisqu’il me surplombe de vingt centimètres, je dois lever la tête pour le regarder. La colère émerge de tous ses pores. Je ne sourcille pas.
— Quand j’ai acheté cette maison, je ne l’ai pas fait parce que je cherchais une coloc avec qui partager les frais. Je ne voulais pas de ton argent. Je te voulais, toi. Dans NOTRE maison.
Je conduis dans la rue Saint-Laurent, puis tourne à
gauche dans le chemin Saint-Louis. Je passe devant le Vieux
Beauharnois, que je regarde brièvement, sachant que j’y serai
dans près d’une heure, soit le délai nécessaire pour que j’aille
déposer les reliques de mon condo à ma nouvelle maison.
À l’endroit où j’ai décidé de vivre avec Vincent, l’homme que
j’ai justement rencontré dans ce bar il y a trois ans.
Des images de notre première rencontre me reviennent en
tête. Intimidée par ce grand gaillard qui buvait de la bière et me
fixait de façon soutenue depuis plus d’une heure, j’avais finalement
décidé d’aller lui parler.
— Tu prévoyais en boire combien avant d’oser venir me voir ?
— Je prenais le temps d’admirer la femme avec qui je vais passer le reste de ma vie.
— Ouch !
J’avais pouffé de rire, puis amorcé un pas pour m’éloigner de ce bel homme au crâne rasé dont la phrase d’approche était trop quétaine pour que je m’éternise. Mais il m’avait retenue par le bras. Un toucher électrisant qu’il avait adouci en faisant jouer ses doigts sur ma peau.
— Je voulais m’assurer de ton intérêt pour moi avant de t’approcher. Es-tu vraiment prête à m’avoir dans ta vie ?
J’avais ri de son intensité.
Mais je l'avais cru.
Je marche en compagnie de mes deux soeurs dans le stationnement de l’école d’arts martiaux mixtes située à Beauharnois. Le soleil projette ses derniers rayons sur le lac Saint-Louis, que nous apercevons de l’autre côté de la rue Saint-Laurent.
-Je gage ma brassière que tu ne viendras pas nous retrouver à la brasserie ! me défie Maëlle.
-Quel soutien-gorge es-tu prête à perdre ? m’intéressé-je avec un sourire amusé.
Sans égard au fait que nous nous trouvons dans un lieu public, Maëlle relève sa camisole bleue pour nous montrer son sous-
vêtement garni de dentelle blanche.
-Il est super beau, constate Zara d’un regard admiratif. Tu ne l’aimes pas ?
-Certain que je l’aime, détrompe Maëlle. Mais je suis sûre que Kaciane ne viendra pas, donc je vais le garder !