UN AUTRE LOIN
V
Extrait 2
Je réapparais dans une ville
aux ponts recommencés
[…]
ici seul le silence est visible
comment désirer sans te voir
à travers un filet jeté sur la distance
la douleur dormante altère la mémoire
sur la fenêtre à l'abandon
au creux de la main et des papiers
parmi les ratures et les blancs
déchirés
ici il n'y a pas de port où accoster
seulement de hautes falaises
lorsque l'amour s'aggrave
le vide autour de moi se sépare
et loin au large il s'étend
et se couche sur une épave
vivante
…
p.20-21
C’est un autre paradis perdu
que je voudrais connaître
en fermant les yeux pour retenir
le réveil dans le foyer
des paupières
il faudrait se défaire des fragments
blancs qui flottent sur la table
retrouver les portes et les rues
sans noms de la ville imaginaire
et ne pas s’arrêter de marcher
en écoutant les pas retentir
sur le pavé pour ne rien dire
ni conduire ni se retourner
ni quitter le départ
ne pas prendre le risque d’oublier la trajectoire
ne pas sortir de l’ombre au repos
sur le trottoir en raison du soleil qui l’appelle
UN AUTRE LOIN
V
Extrait 1
Je réapparais dans une ville
aux ponts recommencés
mes pas s’accrochent aux trottoirs
suivent les silhouettes lentes
qui arpentent les quais
je ne peux pas quitter
les miroitements du fleuve
au fond duquel j’embarque
vers une autre ville
il me semble que la pluie
provisoire rapproche les apparitions
des histoires captives
…
p.20
UN AUTRE LOIN
IV
Extrait 3
…
une rame surgit et replonge
en poussant les joncs qui gémissent
se détourner de la mémoire
émancipée qui propose des symboles
se livrer aux pèlerinages des livres
ouverts ou fermés quelque part
avec lenteur
l’abandon déferle sur la table
je cherche la sortie de la mer
à l’intérieur d’une vague
qui emporte mes jours pleins
sans passé sans visages
et sans noms
p.18-19
UN AUTRE LOIN
IV
Extrait 2
...
rien n’est sûr à travers les vitres
rien n’est vrai dehors ni dedans
ni dans les papiers perdus
qui virevoltent sans réponses
ni cris rien n’est rêve
j’observe la consigne d’attendre
à proximité d’une palpitation
à qui faut-il pardonner
…
p.18
UN AUTRE LOIN
IV
Extrait 1
Je reprends la marche et le jour
recommence ses heures sa nuit rien ne fait halte
est-ce un trajet ce ciel
autour des volets d’autrui je me redresse
et me retourne sans bouger
d’ici la distance est trop grande
le gouffre est lent les arbres introuvables
le galop rebondit dans un couloir noir
que je ne peux pas atteindre
l’encre se verse sur des mondes ignorés
et me dépose près d’un visage
le vent de la mer emporte la clarté
au même point du parcours
p.17
UN AUTRE LOIN
III
Extrait 3
comment faut-il se tenir
pour que je sois de retour
dégageant l’une après l’autre les vitres
de la fenêtre impassible
pour que j’entende la voix
des heures seules
je repasse de l’encre sur des lettres en suspens
complices d’une langue inconnue
il faudrait que le silence
retienne ce qui reste dans le pas
qui se hisse retombe s’arrête
pour signaler une échappée
qui se garde et revient
à la source quiète
p.16
UN AUTRE LOIN
III
Extrait 2
je sauvegarde l’ailleurs avec la clarté
des sabots qui s’élancent
nul repère dans le galop
énigmatique qui sonne le départ
nul écho dans l’étendue
ne mène au rivage ne ramène
à la poussière de la distance
qui s’attarde et retombe
s’envole plus loin
tandis que dans les nuages
s’attarde l’hiver austral
et dans la solitude affaiblie
s’infiltre la nuit
combien de temps faut-il
pour s’habituer à la nuit
et dehors il fait jour
au long des détours d’une saison
qui me sépare des arbres
je perds la vue à l’intérieur des yeux
p.15
UN AUTRE LOIN
III
Extrait 1
Où aller sans commencement
et peut-être sans fin
j’entrevois des verrières
dont les éclairs bleus s’échappent
en quête de liberté
j’essaie de retrouver les étoiles
qui scintillent par milliers sur la plaine
de rattraper les répits de l’oubli
et les pauses de l’aube
attendre se propage après l’attente
parfois quelqu’un comme un cheval
hagard heurte la table
parfois c’est moi qui brise les verrières
et tombe sur l’air blessé
p.14
UN AUTRE LOIN
II
Extrait 3
c’est une route qui s’abandonne au pas
comme la marée montante
à son espoir de la plage
je suis au fond de la mer
les vagues suscitent des flammes
des ombres éclatent sur mon visage
produisant une symphonie
que renouvellent mes lèvres closes
et l’oscillation de mon torse
qui suit le va-et-vient
où irais-je comme ça
l’obscurité jaillit de ce qui dure et n’est pas
je vogue à la dérive par tremblement d’absence
par signes et habitudes et par mémoire
de naufrages
comment rejoindre le centre
j’essaie d’approcher un rivage familier
qui s’étend dans la brume
p.13