Grâce au silence, je m'introduis dans un livre, je deviens lui : je l'écris pratiquement moi-même. Entre les pages, il brille imperceptiblement, je dirais que je l'entrevois, que je pourrais le toucher. Dans les livres qui en sont privés, la lecture se déroule sur un terrain aride. Un écrivain ne s'aperçoit pas du travail qui s'opère entre lui et le silence. Sa force s'ouvre à l'aube, puis se remplit de nuit. Il appartient plus à la nuit qu'au jour : il y retrouve sa profondeur et son pouvoir. p 29
Le poète espagnol Luis Cernuda vécut en exil en Angleterre, en Ecosse, aux Etats-Unis et au Mexique, où, en 1963, il s'exila définitivement dans l'au-delà. Sa poésie est habitée par le souvenir :
Mais après je me sentis seul avec ma terre,
Et je l'aimai car quelque chose doit être aimé
Pendant que dure la vie. Mais dans la vie tout
S'enfuit lorsque l'amour veut le fixer.
Ainsi aussi ma terre je l'ai perdue.
Más después me sentí a solas con mi tierra,
Y la amé, porque algo debe amarse
Mientras dura la vida. Pero en la vida todo
Huye cuando el amor quiere fijarlo.
Así también mi tierra la he perdido.
(La nationalité de l'écrivain, p 126)
L'écriture qui s'insinue sur le cahier réveille le désir de faire l'amour. L'amour et l'écriture perçoivent la même musique. Distraitement, le stylo caresse la blancheur couchée, et je sens la caresse ténue sur moi.
L'homme a oublié qu'il est un rêve.
Quelqu'un le rêve, et il se rêve lui-même. Lorsque je me penche sur la table, le rêve du corps adapte la vision de mes yeux au voyage de ma main. p 89
Et comme on dresse un large tissu blanc pour y projeter une image ou bien une ombre sur la table du vent, il déposa sa page et dans la violence de l'éclat écrivit ces mots :
J'écris afin que l'univers dise oui dans l'espace pur et que ce oui résonne dans ma poitrine ouverte.
Antonio Ramos Rosa
(épigraphe du chapitre intitulé L'alphabet de feu)
Je poursuis le trajet du chant. Par malchance, il n'est pas suffisant en écriture, lui insufflerait-il de l'émotion. Le chant qui s'écrit doit se concerter avec des mots. Si ceux-ci s'écrivent sans lui, au lieu de s'enchaîner, ils se figent. Le chant, qui passe dans l'arrière-pays d'un livre, donne à l'écriture ce que la lumière donne à la peinture : il est plus intense que le sujet ou le style. Surgirait-il des mots ? Il se peut que je choisisse les mots non pas pour leur sens mais pour les sons qui s'en échappent lorsque l'écriture se lance dans le vide. p 18
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ?
[…]
On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin.
[…]
Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus.
[…]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Silvia Baron Supervielle
0:38 - Annie Salager
1:28 - Vénus Khoury-Ghata
2:13 - Colette Nys-Mazure
2:44 - Françoise Thieck
3:10 - Josée Lapeyrère
4:42 - Jeanine Baude
5:36 - Générique
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Références bibliographiques :
Couleurs femmes, poèmes de 57 femmes, Paris, co-édition le Castor Astral/Le Nouvel Athanor, 2010.
Françoise Chandernagor, Quand les femmes parlent d'amour, Paris, Cherche midi, 2016.
Images d'illustration :
Silvia Baron Supervielle : https://thalim.cnrs.fr/manifestations-culturelles/article/gestes-et-poesie-rencontre-avec-silvia-baron-supervielle
Annie Salager : https://poussiere-virtuelle.com/wp-content/uploads/2017/04/Annie-Salager.jpg
Vénus Khoury-Ghata : https://i0.wp.com/arablit.org/wp-content/uploads/2020/08/khoury-ghata-cat2.jpg?ssl=1
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Bande sonore originale : Arthur Vyncke - Uncertainty
Uncertainty by Arthur Vyncke is li
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