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Critique de Babelcoyo


A l'instar d'un certain Cédric Villani auquel on pourrait à tort le comparer, Aurélien Barrau est un être d'une intelligence hors normes. Déjà doté d'un très solide bagage physique et scientifique, le sieur démontre avec cet ouvrage qu'il est aussi un fin philosophe et plus précisément un fin épistémologiste, convoquant dans sa démarche Deleuze, Foucault, Derrida, Nietzsche, Schopenhauer mais aussi, plus proche de la science, Canguilhem, Mach ou Kuhn. Il prouve ici qu'il fait partie de ces êtres rares qui, maitrisant parfaitement la connaissance scientifique, déjà ardue pour les profanes, est capable de faire un pas de côté (ou prendre de la hauteur) pour analyser la science elle-même et questionner ses propres méthodes. Inutile de rappeler alors qu'il vous faudra posséder un solide bagage scientifique et intellectuel pour naviguer dans ces eaux nébuleuses de la pensée, et que cette traversée s'annoncera tour à tour réjouissante et éprouvante. Assurément, cet ouvrage vous ouvrira des champs entiers de pensées insoupçonnées et provoquera chez vous un certain nombre de recherches internet compulsives, soulevant bien plus de questions sans réponse définitive qu'apportant son lot d'explications simples inévitablement recherchées. Sans compter que l'auteur se veut aussi poète (une casquette de plus dans son panel de compétences), de ce style à la fois ampoulé, affecté et précieux (usant de termes vieillis qu'on ne trouve plus que dans les vieux dictionnaires) et à la fois paradoxalement vulgarisateur et pédagogue à l'occasion. le lyrisme excessif d'Aurélien Barrau peut semblé un peu fat pour les esprits un peu étriqués mais il est en fin de compte tout à fait légitime étant donnés la somme des concepts abordés et l'immensité cosmologique dans lesquels ils s'expriment. Il y a par ailleurs et curieusement une certaine forme d'humilité à vouloir désespérément ainsi transmettre et vulgariser pour le tout venant des notions complexes issues de 2000 ans de recherche scientifique et philosophique ainsi qu'à systématiquement essayer de déconstruire sa propre démarche scientifique. En énumérant toutes ces anomalies (matière noire, énergie noire, trous noirs, accélération de l'expansion de l'univers, singularité du big bang) et en les catégorisant (de l'imprévu à l'étonnant, de l'improbable à l'invisible, de l'impossible à l'incohérent en passant par l'ineffable et l'impensable), l'auteur revient aux principes de bases de la démarche scientifique, parfois injustement écartés dans notre monde contemporain avide de certitudes et de raccourcis, pour redéfinir l'anomalie comme une chance inestimable d'éprouver la théorie et d'élargir son cadre. Il rappelle ainsi que la science n'a été qu'une succession d'expériences de pensées infirmées ou confirmées empiriquement par des expériences pratiques dont les limites seront toujours celles des outils, des capteurs, ces deux expériences étant intimement liées (« aucune mesure n'est indépendante d'un modèle qui permet de la comprendre »). Par cette nouvelle démarche, Aurélien Barrau réussit en quelque sorte la grande unification dont tous les physiciens rêvent, mais plutôt que d'unir la mécanique quantique et la relativité générale, il fait de la littérature avec de la physique et ose relier la science et la philosophie que dans notre monde trop trivial nous opposons un peu trop consciencieusement. Sa langue plaisante aborde simplement, sans jamais être simpliste, ces (méta)concepts scientifiques en une sorte de pédagogie pour bourgeoisie assez unique en son genre et le geste en lui-même, bien qu'imparfait, vaut d'être salué malgré ces audaces parfois approximatives qui le conduisent jusqu'à souhaiter une subversion de la science inspirée de celle, morale, de Jean Genet dans son mémorable « Journal du voleur ». Une lecture pour le moins roborative et céleste.
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