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EAN : 9782070364930
305 pages
Gallimard (04/03/1982)
3.91/5   251 notes
Résumé :
Je nomme violence une audace au repos amoureuse des périls. On la distingue dans un regard, une démarche, un sourire, et c'est en vous qu'elle produit des remous. Elle vous démonte. Cette violence est un calme qui vous agite. On dit quelquefois : "Un gars qui a de la gueule." Les traits délicats de Pilorge étaient d'une violence extrême. Leur délicatesse était violence.
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Ce livre fait vraiment partie des exceptions et qui dit exception dit exceptionnel.
Avec « Journal du voleur » publié en 1949, Jean Genet interpelle les lecteurs sur la misère des hommes, la sienne, lui qui est en prison pour avoir volé.
Ce journal autobiographique est surprenant par l'intensité des propos et la qualité de son écriture.
Genet raconte son enfance d'orphelin voyou mais surtout ses amants et surtout son amour pour Stilitano l'espagnol, sur fond de prostitution, de trafic d'opium et de guerre d'Espagne.

C'est un livre qui mêle les voyages intérieurs et extérieurs. J'ai voulu le lire après avoir lu « M train » de Patti Smith et je ne peux pas m'empêcher de la citer :
« Cela faisait longtemps que j'avais envie de voir les vestiges de la colonie pénitentiaire où les pires criminels étaient envoyés par bateau, avant d'être transférés sur l'île du Diable.
Dans Journal du voleur, Genet décrivait Saint-Laurent comme une terre sacrée et parlait des détenus avec une compassion empreinte de dévotion. Dans son Journal, il évoquait une implacable hiérarchie de la criminalité, une sainteté virile dont le sommet se trouvait sur les terribles terres de la Guyane française. Il avait gravi les échelons pour se rapprocher d'eux : maison de redressement, chapardeur, par trois fois sanctionné ; mais tandis que sa condamnation était prononcée, le bagne qu'il tenait en si haute estime fermait, jugé inhumain, et les derniers prisonniers vivants furent rapatriés en France. Genet fut incarcéré à la prison de Fresnes, se lamentant avec amertume de ne pas pouvoir atteindre la grandeur à laquelle il aspirait. Anéanti, il écrivit : On me châtre, on m'opère de l'infamie.
Genet fut emprisonné trop tard pour intégrer la communauté qu'il avait immortalisée dans son oeuvre. Il resta à l'extérieur des murs de la prison, tel le boiteux de Hamelin à qui fut refusée l'entrée au paradis parce qu'il était arrivé trop tard devant ses portes.
À soixante-dix ans, Genet était, disait-on, en fort mauvaise santé et, très probablement, il n'irait jamais voir le bagne de Guyane. Je me suis vue lui apporter sa terre et ses cailloux. »
Et les cailloux du bagne, Patti Smith est allée les chercher et m'a permis le plaisir de cette lecture.


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Comme "Les Chants de Maldoror" de Lautréamont, Jean Genet sublime l'horreur par une maîtrise de la langue et des mots : mais ce n'est pas tant l'horreur que cherche à dépeindre l'auteur (à l'instar du Comte), que la tentation de comprendre les essences du Mal ; car le Mal est normé, social, et Jean Genet, lui, se présente comme et côtoie les marginaux.
C'est donc un roman de relativisme magnifié par une intelligence asociale et un esthétisme du texte bien exploité.
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Le journal du voleur n'est pas à proprement parler une biographie , une restitution des faits et gestes commis et accomplis par jean Genet dans le milieu de la pègre , quelque part entre les quartiers chaud du Barcelone d'avant-guerre, la Belgique ou Paris .Ce journal n'est pas une justification de la tournure prise par la vie de Genet évoluant dans ces milieux .

C'est terrible , cruel , sordide .Genet parvient , et c'est l'un des mérites essentiels de ce livre, à relier ces événements à des notions a priori étrangères à un tel décor : « jamais je ne cherchai à faire d'elle autre chose que ce qu'elle était, je ne cherchai pas à la parer, à la masquer, mais au contraire je la voulus affirmer dans sa sordidité exacte, et les signes les plus sordides me devinrent signes de grandeur ».
Le La est donné, ce sera le ton général de l'ouvrage dont l'auteur ne se départira plus.


Les récits des relations homosexuelles de l'auteur ne revêtent jamais un côté graveleux, répugnant en raison de leur violence .L'esthétique n'est jamais loin et l'emploi fréquent de l'imparfait du subjonctif dans le journal ajoute une touche de distanciation linguistique à ce qui ne devrait être qu'une justification éhontée de ses actes de vol et de violences commis au cours des épisodes décrits.
« Appliqué aux hommes, le mot de beauté m'indique la qualité harmonieuse d'un visage et d'un corps à quoi s'ajoute parfois la grâce virile. La beauté s'accompagne alorsde mouvements magnifiques, dominateurs, souverains. »

Le premier crime dont est témoin l'auteur est relié à l'amour : « le mort et le plus beau des humains m'apparaissaient confondus dans la même poussière d'or, au milieu d'une foule de marins, de soldats, de voyous de tous les pays du monde. Je faisais connaissance au même instant avec la mort et avec l'amour. »
Plus significative encore est le lien établi pare Genet entre l'univers carcéral et la beauté , il l'éprouve à de nombreuses reprises dans son journal : « Ma solitude en prison était totale(…)Mon talent sera l'amour que je porte à ce qui compose le monde des prisons et des bagnes .Non que le les veuille transformer, amener jusqu'à votre vie , ou que je leur accorde l'indulgence ou la pitié :je reconnais aux voleurs, aux traîtres aux assassins, aux méchants, aux fourbes une beauté profonde-une beauté en creux- que je vous refuse ».
Ouvrage dont on peut recommander la lecture en raison de ce déchirement omniprésent entre la vie décrite et sa justification par l'auteur, prenant à témoin l'esthétique, la religion pour simplement décrire cette vie noire.


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Dans "Journal d'un voleur", le narrateur, Jean, raconte sa vie de misère : meurtres, vols, amants brutaux et pervers, voilà ce qui l'attire. L'amour pour lui se résume surtout à la passion et aux étreintes avec des hommes musculeux et vils, aux moeurs plus que douteuses, voire dangereuses. le lecteur suit ainsi le parcours de Jean principalement en Espagne, puis à travers toute l'Europe : Allemagne, Pologne, Tchécoslovaquie, Belgique et enfin, son retour en France.

En fait, les lieux, les dates, les amants du narrateur et ses séjours en prison se mêlent plus qu'ils ne se succèdent. Dans ce journal qui n'en est pas vraiment un, Jean Genêt mêle réalité et fiction. Il ne s'agit pas ici d'autobiographie mais plutôt d'une autofiction où grâce au truchement de la langue, l'abject et la misère sont magnifiées par l'auteur. Son vécu misérable devient une expérience de sainteté.
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Document autobiographique qui fournit une étude rare de la vie d'un marginal, asocial de surcroît.
Quelques très belles pages, de l'humour malgré quelques longueurs et le sentiment qu'ici ou là quelques éléments ont été enjolivés. J'ai essayé de lire d'autres ouvrages de Jean Genet ("Pompes funèbres", "Le miracle de la rose") mais n'ai pu aller jusqu'au bout. J'en conclus donc que "Le journal du voleur" est son meilleur récit.
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critiques presse (1)
LePoint
10 mai 2021
Deux Occidentaux relient d’un trait de bitume des régions longtemps en guerre.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
Sans me croire né magnifiquement, l'indécision de mon origine me permettait de l'interpréter. J'y ajoutais la singularité de mes misères. Abandonné par ma famille il me semblait déjà naturel d'aggraver cela par l'amour des garçons et cet amour par le vol, et le vol par le crime ou la complaisance au crime.

Ainsi refusai-je décidément un monde qui m'avait refusé. Cette précipitation presque joyeuse vers les situations les plus humiliées tire peut-être encore son besoin de mon imagination d'enfant, qui m'inventait, afin que j'y promène la personne menue et hautaine d'un petit garçon abandonné, des châteaux, des parcs peuplés de gardes plus que de statues, des robes de mariées, des deuils, des noces, et plus tard, mais à peine plus tard, quand ces rêveries seront contrariées à l'extrême, jusqu'à l'épuisement dans une vie misérable ; par les pénitenciers, par les prisons, par les vols, les insultes, la prostitution, tout naturellement ces ornements (et le langage rare s'y attachant) qui paraient mes habitudes mentales, les objets de mon désir j'en parai ma réelle condition d'homme mais d'abord d'enfant trop humilié que ma connaissance des prisons comblera.

Au détenu la prison offre le même sentiment de sécurité qu'un palais royal à l'invité d'un roi. Ce sont les deux bâtiments construit avec le plus de foi, ceux qui donnent la plus grande certitude d'être ce qu'ils sont – qui sont ce qu'ils voulurent être, et le demeurent. La maçonnerie, les matériaux, les proportions, l'architecture sont en accord avec un ensemble moral qui laisse indestructibles ces demeures tant que la forme sociale dont ils sont le symbole tiendra. La prison m'entoure d'une garantie parfaite. Je suis sûr qu'elle fut construite pour moi – avec le palais de justice, sa dépendance, son monumental vestibule.

Selon le plus grand sérieux tout m'y fut destiné. (pp. 97-98)
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Je suis né à Paris le 19 décembre 1910. Pupille de l’Assistance Publique, il me fut impossible de connaître autre chose de mon état civil. Quand j’eus vingt et un ans, j’obtins un acte de naissance. Ma mère s’appelait Gabrielle Genet. Mon père reste inconnu. J’étais venu au monde au 22 de la rue d’Assas. - Je saurai donc quelques renseignements sur mon origine, me dis-je, et je me rendis rue d’Assas. Le 22 était occupé par la Maternité. On refusa de me renseigner. Je fus élevé dans le Morvan par les paysans. Quand je rencontre dans la lande, et singulièrement au crépuscule, au retour de ma visite des ruines de Tiffauges où vécut Gilles de Rais, des fleurs de genêt, j’éprouve à leur égard une sympathie profonde. Je les considère gravement, avec tendresse. Mon trouble semble commandé par toute la nature. Je suis seul au monde, et je ne suis pas sûr de n’être pas le roi, peut-être la fée de ces fleurs. Elles me rendent au passage un hommage, s’inclinent sans s’incliner, mais me reconnaissent. Elles savent que je suis leur représentant vivant, mobile, agile, vainqueur du vent. Elles sont mon emblème naturel, mais j’ai des racines, par elles, dans ce sol de France nourri des os en poudre des enfants, des adolescents enfilés, massacrés, brûlés par Gilles de Rais. Par cette plante épineuse des Cévennes, c’est aux aventures criminelles de Vacher que je participe. Enfin par elles dont je porte le nom le monde végétal m’est familier. Je peux sans pitié considérer toutes les fleurs, elles sont de ma famille. Si par elles je rejoins aux domaines inférieurs — mais c’est aux fougères arborescentes et à leurs marécages, aux algues, que je voudrais descendre — je m’éloigne encore des hommes. De la planète Uranus, paraît-il, l’atmosphère serait si lourde que les fougères sont rampantes ; les bêtes se traînent écrasées par le poids des gaz. À ces humiliés toujours sur le ventre, je me veux mêlé. Si la métempsycose m’accorde une nouvelle demeure, je choisis cette planète maudite, je l’habite avec les bagnards de ma race. Parmi d’effroyables reptiles, je poursuis une mort éternelle, misérable, dans les ténèbres où les feuilles seront noires, l’eau des marécages épaisse et froide. Le sommeil me sera refusé. Au contraire, toujours plus lucide, je reconnais l’immonde fraternité des alligators souriants.
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J'aurais été heureux si mon amour pour Armand n'eût pris une importance telle que je me demande si jamais il ne le remarqua. Sa présence m'affolait. Son absence m'inquiétait. Après que nous avions dévalisé une victime, nous passions une heure ensemble, dans un bar, mais ensuite? Je ne savais rien de ses nuits. Je devins jaloux de tous les jeunes voyous du port.
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N’est pas Narcisse qui veut. Combien se penchent sur l’eau qui n’y voient qu’une vague apparence d’homme. Genet se voit partout ; les surfaces les plus mates lui renvoient son image ; même chez les autres, il s’aperçoit et met au jour du même coup leur plus profond secret. Le thème inquiétant du double, image, sosie, frère ennemi, se retrouve en toutes ses œuvres. Chacune d’elles a cette étrange propriété d’être elle-même et le reflet d’elle-même. Genet fait apparaître une foule grouillante et touffue qui nous intrigue, nous transporte, et se change en Genet sous le regard de Genet.

Dans Le Journal du Voleur, le mythe du double a pris sa forme la plus rassurante, la plus commune, la plus naturelle : Genet y parle de Genet sans intermédiaire ; il raconte sa vie, sa misère et sa gloire, ses amours ; il fait l’histoire de ses pensées, on pourrait croire qu’il a, comme Montaigne, le projet bonhomme et familier de se peindre. Mais Genet n’est jamais familier, même avec soi. Bien sûr il dit tout. Toute la vérité, rien que la vérité : mais c’est la vérité sacrée.
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Sans qu’ils le veulent les gestes de ces gosses, leurs destins, sont tumultueux. Leur âme supporte une violence qu’elle n’avait pas désirée. Elle la domestiquait. Ceux dont la violence est l’habituel climat sont simples en face d’eux-mêmes. Des mouvements qui composent cette vie dévastatrice et rapide chacun est simple, droit, net comme le trait d’un grand dessinateur – mais dans la rencontre de ces traits en mouvement éclate alors l’orage, la foudre qui les tue ou me tue. Cependant, qu’est leur violence à côté de la mienne qui fut d’accepter la leur, de la faire mienne, de la vouloir pour moi, de la capter, de l’utiliser, de me l’imposer, de la connaître, de la préméditer, d’en discerner et d’en assumer les périls ? Mais qu’était la mienne, voulue et nécessaire à ma défense, à ma dureté, à ma rigueur, à côté de la violence qu’ils subissent comme une malédiction, montée d’un feu intérieur en même temps qu’une lumière extérieure qui les embrase et qui nous illumine. Nous savons que leurs aventures sont puériles. Eux-mêmes sont sots. Ils acceptent de tuer ou d’être tués pour une partie de cartes où l’adversaire – ou eux-mêmes – trichaient. Pourtant, grâce à des gars pareils sont possibles les tragédies.
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Videos de Jean Genet (71) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Genet
Le texte inédit d'un auteur culte.
Juin 1942. Jean Genet est incarcéré à la prison de Fresnes, condamné à huit mois de réclusion pour vol de livres. À trente et un ans, le détenu n'a encore rien publié ; mais la cellule est un lieu propice à l'éclosion de son talent littéraire. Il y écrit son premier roman, "Notre-Dame-des-Fleurs", et le long poème "Le Condamné à mort".
L'attrait du théâtre se fait déjà sentir, comme en témoigne "Héliogabale", ce drame à l'antique dont un manuscrit a été enfin retrouvé à la Houghton Library. L'existence de cette pièce était attestée, Genet l'ayant fait lire à quelques proches et ayant exprimé le souhait qu'elle soit publiée et créée — avec Jean Marais dans le rôle-titre. Rien de cela n'eut lieu et l'écrivain n'y revint plus.
Voilà donc, plus de quatre-vingts ans plus tard, la mise en scène des dernières heures d'Héliogabale, jeune prince romain assassiné, telles que Genet les a rêvées et méditées.
Au travers de cette figure solaire, hautement transgressive et sacrificielle, à laquelle Antonin Artaud avait consacré un essai flamboyant en 1934, Genet aborde les thèmes qui lui sont chers, dans les règles de l'art mais en laissant affleurer un lyrisme bien tenu : le travestissement et l'homosexualité, la sainteté par la déchéance, la beauté par l'abjection. Un envers du monde social où l'auteur, apprenti dramaturge, entend déjà trouver ses vérités, situer son oeuvre à venir et inventer sa propre légende.
Découvrir "Héliogabale" : https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/La-Nouvelle-Revue-Francaise/La-Nouvelle-Revue-Francaise524
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