Il était fils de chef, destiné à prendre la suite de son père. Il sera esclave.
Dépossédé de sa famille, de son clan, de ses terres et de sa liberté, privé même de son nom, il souhaitera mourir mais l'instinct de survie sera le plus fort. En deuil de son enfance, celui qui s'appelle maintenant
Damalis, meurtri dans sa chair, son coeur et son honneur, doit tout ré-apprendre et trouver sa place…
Quand j'ai vu arriver ce beau bébé de plus de 600 ki.. euh pages, gagné grâce à la Masse Critique spéciale de Babelio, une petite frayeur s'est emparée de moi! Une éternité que je ne me suis pas plongée dans un roman historique remontant aussi loin dans le temps et l'appréhension de ne plus apprécier ce genre était bien présente!
Une angoisse vite étouffée car l'auteur nous happe dès les premières pages et nous transporte d'un trait de plume au VIIe siècle avant Jésus-Christ, sur la côte sud-ouest de l'actuelle Turquie, à Milet, cité grecque d'Ionie, sous le règne de Thrasybule.
Dans les pas d'un Thrace, nous plongeons dans la vie de la cité de Milet, berceau de la philosophie grecque. Avec un portrait sociétal historique, un clin d'oeil aux récits d'
Homère ou les observations d'un Thalès, j'ai adoré retrouver l'atmosphère des cours de latin et grec de mon adolescence!
Ce roman ouvre la porte d'une société ancienne, riche et diverse.
Avec
Damalis, nous faisons connaissance avec une famille d'aristocrates.
Le père, Phérès, possède des terres en dehors de la ville mais ce n'est pas seulement la culture et l'élevage qui font sa richesse. Il est armateur, profite de la mer aux pieds de la cité pour alimenter un commerce diversifié et voyager. Mais la cité est danger, on est tous la proie de quelqu'un et
Damalis va assister à une guerre intestine, subir la trahison au sein même de la famille qu'il sert et être témoin de la politique du tyran d'alors face aux armées lydiennes convoitant la place forte.
Si le contexte historique est fascinant, ce roman est avant tout le parcours initiatique d'un jeune Thrace dont le destin bascule chez les Grecs.
Il est émouvant ce jeune garçon dont l'enfance protégée est anéantie lors d'une attaque sur son village. Son innocence a été ravie de la pire des manières, et pourtant il se relève. Il effectue un travail sur soi phénoménal pour accepter sa condition d'esclave, se soumettre aux caprices d'un maître, mais n'en garde pas moins son intelligence. Il sait écouter, observer, apprendre. Il sait être loyal ou louvoyer pour s'épargner quelque déconvenue. Il sait se rendre indispensable, attirer certaine affection.
Damalis est le personnage central alors que sa condition est inférieure. Au travers de ses yeux, nous vivons le fonctionnement ou plutôt le dysfonctionnement d'une famille qui s'effiloche, nous apprenons à lire, écrire, compter, la tenue d'une maison, à parlementer avec des artisans, à prévoir les recettes, appréhender les inimitiés pour garder l'oreille des puissants.
Mais nous apprenons aussi la résilience, l'adaptation et l'éveil à un monde nouveau, à la sensualité et l'amour.
La plume de l'auteur est soutenue, très élégante, agréable et fluide, pudique dans les moments de violence comme ceux, plus doux, de l'amour. Les 600 pages défilent à toute allure malgré quelques longueurs par moments. Elle a le talent d'installer un quotidien antique dans chacun de ses détails. L'immersion est totale dans les intrigues de la cité et l'empathie pour
Damalis est immédiate.
Et avec ce roman historique et psychologique,
Damalis peut témoigner qu'entre la barbarie Thrace et la société organisée et cultivée d'une cité grecque comme Milet, le sang coule toujours avec autant de violence…
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