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Citations sur Le blues roumain, tome 1 (42)

bon à rien

je rentre chez moi après des années passées
en long en large et à travers Bucarest
et je rentre les mains vides
et elle sort et me dit dès qu’elle me voit
mais mon cher tu disais partir faire fortune
tu disais aller gagner en deux ans plus que d’autres en quatre
et voilà que maintenant tu viens avec rien

mais oui c’est vrai mes chers c’est tout à fait ça
j’ai vraiment gagné rien
et j’apporte tellement de rien à la maison
comme personne n’a pu ramasser pendant ces années
j’ai même pas pu transporter seul tant de rien gagné

derrière moi viennent les voitures chargées de rien
prêtes à casser sous le poids
quand on va les délester dans la cour
nous serons les seuls au monde à détenir autant de rien

dans quelques printemps ce rien sera plus recherché que l’or
et nous allons en vendre seulement quand il sera fort bien coté
soyez sûrs mes chers personne n’a autant de rien
j’en ai tant amassé pendant ces années en pensant à vous
qu’il ne reste plus rien dans les rêves des gens trépanés par la fortune

Ioan Es Pop
(p. 25)
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Dans les clous d’un poème anatomique

J’avais un ami poète, un peu frappé sur le bord,
il venait chez moi, il comptait ses os
et chaque fois il y en avait un de plus.

Puis il s’asseyait sur un côté
et ouvrait ses blessures
comme les touristes les cartes Michelin.

Une rumeur imperceptible parcourait alors la pièce,
les femmes de la ville commençaient à pleurer
et les oiseaux s’assoupissaient
dans l’air du temps.

Mon ami le poète tendait alors les mains vers l’horizon,
ouvrait sa poitrine pour en sortir un abécédaire
et les femmes de toutes les villes commençaient à pleurer
les maires et les policiers fermaient les rues
et les fixaient avec des clous de girofle.

On entendait tout à coup
les pas secs de la nuit
et ma bien-aimée
grignotait en cachette les lettres
tombées par terre.

Matei Ghigiu, p. 24
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Auto-interview

Laisse tomber, Ursachi,
renonce à la marotte fourbe de la poésie.
Toi qui à l’adolescence voulais devenir berger
puis fonctionnaire dans une entreprise piscicole
toi qui as leurré les insomnies avec le sanskrit, Schlegel ou Bopp,
pourquoi tu persécutes les typographes, les compositeurs, les amis,
les gens bienveillants (les critiques ne comptent pas – ils sont trop sournois pour lire un livre)
Voilà, tu as encore écrit un poème, tu t’es encore piégé tout seul,
tu ferais mieux de devenir arbre ou chauffe-eau ou chou-fleur.
Arrête, que diable !

Mihai Ursachi (p. 106)
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Une réputation taillée sur mesure

Le verre en cristal – quand il tombe de haut –
Sait mourir en beauté, en morceaux longs et beaux,
Semant sur le tapis des arcs-en-ciel coupants.
Hélas, moi seul ne sais mourir de mon vivant.

Emil Brumaru (p. 98)
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job 2.0

pendant mon temps libre
je suis soigneuse d’égos
c’est un travail dur
extrêmement mal payé

je me suis spécialisée
dans le soin des égos masculins
ce sont eux qui se dégonflent plus vite
et nécessitent des rechapages successifs

j’ai acquis des techniques efficaces
par exemple quand je les prends par la main et les promène dans la foule
les hommes deviennent soudain beaucoup plus grands
leur ventre disparaît leur dos se dresse leurs épaules s’élargissent
et le pénis oooh n’en parlons plus il croît infiniment
il arrive jusqu’à la lune

les plus malades d’entre eux
ont besoin de traitement permanent au lit
jour et nuit
semaines entières de veille de sueur de corvée
mais ça vaut la peine
car après quelques mois ils se rétablissent complètement
et disparaissent subitement
alors moi je reçois en cadeau un diplôme
sur lequel est écrit en majuscules :
FÉLICITATIONS
L’ÉGO A ÉTÉ RÉINSTALLÉ AVEC SUCCÈS

Petronela Rotar (p. 74)
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l’espoir

ça va mal
et seulement l’espoir que demain ça ira encore plus mal
nous fait tenir
en vie

mais nous espérons tellement fort
que demain devient aujourd’hui
et ça va
très mal

mais nous espérons encore une fois
et tout à coup
demain devient hier
et ça va très très mal

à perte de vue
tout va de mal en pire :
une mer de plomb
avec des vagues petites et douces

et des îles silencieuses et bleues
qui ondoient sur les vagues
comme des taches d’huile
et de gasoil

maintenant ça va
car tout va tellement mal
que le mal s’est enfin établi
à sa cote suprême

et maintenant
même dans le passé
ça ne peut pas faire
plus mal

Ion Mureșan, pp. 17-18
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Le printemps est là

Depuis deux jours, je regarde l’hiver dans les yeux.
Des yeux étroits, ombrés par un front ridé.
L’hiver– un vieil homme, venu de l’Extrême -Orient.
À l’autre bout de la table, une jeune femme blonde, souple,
habillé modestement, avec une blouse animée par deux
seins beaux comme les premiers perce-neige.
Elle frémit de peur ou de honte quand l’hiver lui pose
une question dans une langue énigmatique.
Je bois ma bière et mes pensées.
Qu’est-ce que le printemps se vend facilement à l’hiver !

(p. 69, poème de Mircea Poeană)
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[...]
tu apprendras ainsi sur-le-champ
que le reste du monde t'aime de plus en plus
et te donne
comme une hostie infinie
like après like

(p. 42, fin du poème Une photographie miraculeuse de Robert Șerban)
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Je sais de la solitude
seulement ce que tu m'a dit
que ce n'est pas une maladie
c'est juste un léger éloignement
comme le pied gauche du droit pendant une valse
avec un air dense entre les deux
et parfois un corps longtemps exercé

(p. 36, début du poème Le lapin de Florin Partene)
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La beauté



extrait 6

jubiler comme un ange
avant le purgatoire
croiser fort les phalanges
dans le noir
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