Le crépuscule du paon est un roman dont j'ai rencontré l'autrice lors de la journée des autrices et des auteurs organisée par les étudiants de
Sciences Po. Je le précise parce que j'ai mesuré après coup le potentiel comique de ce contexte en lisant la scène d'ouverture, qui se déroule en plein salon littéraire… rien que pour cette scène, ouvrez le roman !
Il met en scène Pascaline Elbert, une héroïne récurrente : journaliste d'investigation, responsable du service politique d'un grand journal. Nous y sommes littéralement plongés à ses côtés ! Elle investigue sur une affaire de pots-de-vin et d'attributions illégales de marchés publics dans le BTP en Ile-de-France (toute ressemblance…), en naviguant entre sa vie professionnelle et sa vie de jeune mère célibataire.
Mais le lecteur sait tout avant l'héroïne, parce qu'il a accès à tous les protagonistes, à leurs motivations visibles et invisibles. Narrateur et lecteur sont omniscients, et on sait même dès le départ que le ministre de l'économie aux ambitions présidentielles trempera dans l'histoire. Ce roman n'est donc pas basé sur le suspense, comme je l'ai cru avant de le commencer : on se doute bien de la fin, on voit venir la complexité des amitiés et inimitiés qui se nouent et peuvent torpiller la carrière d'hommes qui se croyaient invincibles.
Mais ce choix permet au texte d'être très fin dans sa description de l'écheveau des liens de pouvoir et du jeu de « je te tiens tu me tiens » entre responsables politiques et dirigeants économiques. Et là où il devient passionnant, c'est lorsqu'il dirige notre empathie et notre besoin d'identification vers celles et ceux à qui les puissants ne font jamais attention, parce qu'ils leur paraissent n'avoir aucun pouvoir. Une apprentie journaliste ? Ils ne la voient pas. le ghost writer ? Ils ne pensent même pas au fait qu'il a des oreilles…
Or, quoi de plus jubilatoire qu'un engrenage où l'humain se met en travers du chemin de puissants qui croyaient tout maîtriser, et n'ont pas l'intuition élémentaire de faire attention à l'existence de celles et ceux qui les entourent ?
Oui, quoi, selon vous ?