Les dires des nuages qui pleurent

Ce jour-là, à Constantinople, naquirent dans la maison d'un orfèvre et dans celle voisine d'un commerçant deux fils, Tayyib (le bon) et Tahir (le pur). Les enfants grandirent ensemble. « Ils se distinguèrent dans les arts et les sciences, n'ayant pas besoin d'apprendre car le message venu d'En-haut leur avait dévoilé tous les secrets. » « Sur les chemins du savoir, ils s'épanouirent comme deux bourgeons. » Leurs parents meurent, les adolescents dilapident leurs héritages. « Ils célébrèrent ce printemps de la vie dans l'amour et le vin, séduisant les beautés des deux sexes qui font palpiter les coeurs. » Suivant les conseils d'un sage, appauvris et mis au ban de la société, ils se résignent à l'exil. C'est là que chacun trouvera, après bien des aventures sur mer et en Angleterre, son amant et le véritable amour.

Superbe rencontre que ce livre de Laurent Baudoin qui, après A l'Est d'Eros, a fait traduire par Can Yapicioglu, puis a adapté "Les dires des nuages qui pleurent ou l'histoire de Tayyib et Tahir", un conte qui fait partie des Sept Histoires du poète ottoman Nev'î-zâde Atâyi (1583-1635). Ces "Mesnevisi" sont une suite de livres de poésie spirituelle qui enseignent aux mystiques musulmans soufis l'art d'atteindre le véritable amour divin. Et l'amour homoérotique est l'une des voies permettant d'y accéder.

Surprenant et sans doute dérangeant pour certains, ceux qui restent enfermés dans le carcan de leurs livres sacrés, l'ouvrage est divisé en deux parties : le conte traduit et adapté suivi d'une mise en abyme avec "A Wonderful Accident", un pamphlet anglais antimusulman et antihomosexuel datant du XVIIe siècle.

C'est donc à une étude approfondie des cultures chrétienne et musulmane et de leurs visions respectives des moeurs de l'époque que nous convie l'auteur. Avec de superbes illustrations de Stéphan Turek.

Cet ouvrage a obtenu le Prix 2019 du roman gay dans la catégorie « essai ».