"Les animaux se repaissent ; l'homme mange ; l'homme d'esprit seul sait manger", écrivait aussi Brillat -Savarin. L'homme sait manger car il connaît et pense ce qu'il mange.
On ne trouve nulle fermière de génie aux origines du brie. On ne sait ni quand ni comment exactement il est né. En revanche, très tôt, il a été le fromage des princes et des rois. Charlemagne y goûta lors d'une halte qu'il fit dans le prieuré de Reuil-en-Brie en 774. Robert le Pieux, qui vécut au château de Melun (où il décéda en 1031), le goûtait fort. En 1217, Blanche de Navarre, comtesse de Champagne, en fit livrer 200 au roi Philippe Auguste...qui les offrit aux dames de la cour en guise d'étrennes. En 1643, le grand Condé fêta sa victoire à Rocroi au brie...(...) Tant d'hommages princiers auraient pu déconsidérer ce fromage quand la Révolution éclata. Mais non ! En 1793, un certain Lavallée, révolutionnaire et gastronome, déclara : "Le fromage de brie, aimé par le riche et par le pauvre, a prêché l'égalité avant qu'on ne la soupçonne possible."
Le grand gastronome Brillat-Savarin affirmait qu'"un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un oeil".
Talleyrand, ministre des Affaires étrangères de l'empereur Napoléon puis représentant de la France au congrès de Vienne, était un fin gourmet. Sa table était réputée, et pour cause : il avait à son service le grand Marie-Antoine Carême. On raconte qu'un jour, on lui livra deux superbes saumons. Difficile de servir les deux, et pourtant c'était l'occasion de montrer sa magnificence. Il fit préparer les deux poissons de la même manière...
Les convives étaient passés à table, les maîtres d'hôtel apportèrent l'un des saumons sous leurs yeux admiratifs. Mais l'un deux trébucha (volontairement bien sûr), entraînant le plat dans sa chute. Un murmure désolé parcourut l'assistance. Pour céder à la surprise et à l'émerveillement quand on apporta le second saumon.