_Dîtes-moi Pierre. pouvez-vous m'expliquer pourquoi si souvent les infirmières paraissent plus jolies que la moyenne des jeunes femmes que l'on croise dans la rue?...
_Cela vient de ce que leur vêtement est tout à fait impersonnel. Ainsi, on ne regarde plus que leur visage, et on y cherche sans y penser toutes les traces possibles de la grâce.....
Regardez les portraits flamands....
_Toutes ces femmes, jeunes ou vieilles, avec la même fraise blanche plissée autour du cou, la même robe noire sans ornement, le même voile en pointe sur le front: comme leur visage devient personnel, de ce que leur habit ne l'est pas ....Voyez-vous Pierre , c'est pour cette raison que les Hollandais sont devenus de si grands portraitistes.....
p 10 11 et 12
Est-ce que l'amour est capable de vous rendre ainsi sensible à quelque chose à quoi l'on n'aurait pas pensé, dont on n'aurait pas cru devoir être ému? Ou bien, lorsqu'on tombe amoureux, est-ce nécessairement de la personne dont on ignorait qu'elle allait mettre en mouvement ce fond secret qu'on portait en soi sans le savoir? Devine-t-on de qui on doit tomber amoureux parce que c'est celui-là, celle-là, qui va vous faire être ce que vous vouliez être?
Une grande œuvre d'art, je veux parler de celles qui ne mourront jamais, celles qui sont pour toujours le petit trésor que l'homme aura donné du monde, une grande œuvre d'art est celle qui présente sous sa forme la plus belle, la plus juste image du temps où elle est née.
Je n'aime pas m'endormir sans avoir terminé mon chapitre. C'est une impolitesse envers l'auteur qui s'est donné du mal pou conclure.
J'étais pire qu'un mauvais joueur: un joueur distrait...
L'art se précipite sur les visages.
J'étais pire qu'un mauvais joueur: un joueur distrait...
Un homme qui rit jaune, qui exhale sa méchanceté par ce qu'on appelle à tord de l'humour, c'est qu'il ne va pas bien au fond de lui. De même un peuple.
Je regardais sa nuque avec tendresse. Elle se redressait, auréolée de triomphe et me récitait des extraits de ses cours de philo.
J’ai acquis en vous écoutant la religion du bleu Chardin. Je buvais vos paroles. « Une parole, Pierre, comme n’importe quelle œuvre d’art, n’existe qu’à la mesure de celui qui l’écoute. Il y a autant de Cinquième Symphonie que d’auditeurs. Elle peut être grandiose ou ridiculement étriquée : Beethoven n’y peut rien. Le plus grand orateur du monde n’a jamais prononcé que les mots que la plus sotte des dévotes au pied de la chaire a pu comprendre. Le reste, c’est du vent. » Est-ce à moi que ces mots s’adressaient ? Qu’est-ce que je comprenais, quand vous parliez ? Vous me parliez de La Pourvoyeuse : oui, je voyais bien son tablier bleu. Et la robe bleue de La Jeune Maîtresse d’école devant laquelle vous m’avez tenu en haleine si longtemps, cet après-midi d’hiver triste où nous grelottions à la National Gallery. Vous étiez lyrique. Mais de quoi ? Lyrique du bleu Chardin ? C’est ce que je croyais. Vous me racontiez le dialogue du bleu et du brun profond. « Comment est-ce possible ? », disiez-vous. « Et ce blanc, qui n’est pas du blanc, mais l’apparition, la révélation (et dans votre élan lyrique, vous disiez en grec « l’épiphanie ») de toutes les couleurs secrètes qui, ailleurs, sont saturées d’elles-mêmes. Dieu a inventé le blanc, et Chardin est son prophète. »