À 25 ans,
Emma Becker veut à tout prix écrire un livre sur les femmes. Sur le fait d'en être une. Alors elle devient Justine, et part deux ans à Berlin, où les maisons closes sont autorisées, et devient une « pute », une femme payée pour être une femme, pour n'être que ça. Pour mener à bien son enquête sur ces femmes , pour pouvoir écrire ce récit au plus près de la réalité,elle décide d'être une des leurs. Sans détour, elle devient une prostituée, cette femme qui donne du plaisir aux hommes en se faisant payer,elle s'immerge dans ce monde pour nous le rendre le plus authentique possible.
Il fallait oser.
Oser le vivre.
Oser l'écrire.
L'auteure nous livre ici ses pensées, ainsi qu'une véritable réflexion sur la vie de ces femmes, sur ces « filles de joie », qui pratiquent « le plus vieux métier du monde, dans «
La Maison », un endroit hors du temps, une bulle .
Dans ce lieu , elles se côtoient, se frôlent, parfois se confient , surtout s'entraident.
Ce lieu leur donne un sentiment de sécurité, et leur permet d'être indépendantes. Ce ne sont pas des prostituées de rue, et il n'y a pas de proxénète. Elles sont libres. Libres de leurs choix, libres de continuer ou d'arrêter. Elles ont leurs habitudes, leurs habitués.
Elle nous décrit bien sûr quelques passes, avec un langage souvent cru ; elle nous fait surtout part des coulisses de ces quotidiens de prostituées. Leurs différents ressentis face à des situations diverses. On est au plus près de chacune.
On sent vite, page après page, une réelle fascination pour chaque femme présente dans
La Maison. Comme une contemplation de leurs corps, de leurs réactions, de leurs ressentis. Il y a chez Justine / Emma une forme aussi d'admiration de ces femmes, de la compréhension surtout. de la proximité.
Il y a aussi ces hommes, leurs désirs, ceux qui font peur, ceux qui rebutent, les idiots, les attendrissants, ceux qui respectent, ceux qui dégoûtent, ........ les habitués, les mariés, les jeunes pères, les hauts placés, .......
Un passage m'a particulièrement touchée : Justine s'imagine un jour dans la peau d'un homme ; et cet homme-là serait juste « beau » ..... Vraiment.
Le récit est rythmé à chaque début de chapitre, par une musique. Cette playlist donne un ton à la lecture.
La plume de l'auteure est assumée, franche, directe, à son image, libre. Elle comporte également de l'humour, et de la tendresse.
Il n'y a pas de vulgarité, pas de complaisance, pas de débat, pas de misère. Juste un point de vue, celui de Justine/Emma.
Emma Becker , grâce à son expérience retranscrite dans ce livre, rend un bel hommage à ces femmes qui ont fait ce choix de se prostituer, avec bienveillance et humanité.
Il s'agit d'une ode, à la femme, au corps de la femme, à la liberté d'en faire ce qu'elle veut.
Ce n'est pas tant la nécessité d'être une pute ou le choix d'en être une qui prédomine dans ce livre, c'est plutôt un hymne au fait d'assumer librement ses désirs, de femme, oser être une femme , avoir conscience de plaire, en jouer sans limite.