AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de pleasantf


Oh les beaux jours est une pièce exceptionnelle.
Dans ce dialogue qui la plupart du temps se réduit en fait à un monologue de Winnie, Beckett réussit à donner une vision très complète de la vie humaine et de sa signification. A ce titre, la pièce peut être vue quasiment comme un traité philosophique ou anthropologique. Aussi est-il quelque peu illusoire de vouloir rassembler de manière exhaustive toutes les perspectives qu'elle offre. J'en mentionnerai quelques unes.
La vie y est d'abord vécue comme une expérience physique et corporelle de présence au monde. Et cette expérience est souvent douloureuse comme le rappellent les douleurs, les migraines ou la fatigue de Winnie.
La vie humaine est régie par des codes sociaux. Au travers de la relation entre Winnie et Willie, Beckett parle par exemple de la séduction et de ses codes, ou des normes autour des soins du corps.
L'amour et le lien entre deux êtres sont une thématique centrale de la pièce. le couple est une figure récurrente du théâtre de Beckett. La relation à l'autre est ce qui permet de tenir. C'est une consolation face à la solitude et au tragique de l'existence. Une anecdote rapportée par Ionesco à la mort de Beckett est à cet égard riche d'enseignement. Beckett passait de longues heures à la Coupole (café parisien de Montparnasse) avec son ami le peintre Bram van Velde. Ils restaient là assis, immobiles, sans presque échanger une parole. Au moment de se séparer, Beckett disait "on a passé un bon moment". Et c'était tout.
La pièce fait également souvent référence à la religion, notamment par des allusions à la prière ou aux flammes de l'enfer, ne serait-ce que par le décor, une étendue d'herbe brulée.
La vie est un mouvement permanent, obstiné, à l'image de la fourmi observée par Winnie, qui transporte avec son elle son petit oeuf blanc. Certes, à l'image des gestes anodins de Winnie sans cesse répétés, ce mouvement vital, cette pulsation se condensent bien souvent en quelque chose de monotone, de répétitif, dépourvu de sens et quoiqu'il arrive ils se concluent par la mort. Néanmoins la vision de Beckett n'est pas univoquement tragique. Oui, Willie est terré comme un rat dans sa tanière et Winnie est enfermée dans un mamelon de terre. Mais la vie offre de bons moments et des joies simples. La pièce est souvent drôle. Dans le deuxième acte, Willie apostrophe sa compagne par un 'Win' qui ouvre vers une lumière dans le tunnel, même si cette victoire ne peut être qu'amère et limitée.
Le temps est un thème très important : la passé chargé de souvenirs, le présent qu'il s'agit d'occuper et de transformer en 'beaux jours', et le futur qui offre une issue inéluctable mais peut-être aussi un soulagement.
Pour finir, j'aimerais aussi évoquer la réflexion sur le langage que propose la pièce. Winnie parle des "mots vides" et ainsi de la difficulté qu'ont ceux-ci à rendre compte du monde et de l'expérience humaine. le passage où Willie lit des phrases de son journal montre bien la complexité du rapport entre langage et réalité. Winnie fait souvent référence au 'vieux style', ce langage devenu inadapté à dire le monde.

En résumé, une pièce majeure et vertigineuse.
Commenter  J’apprécie          81



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}