« Nou liou » pour NON-LIEU.
Quand la décision de justice a été annoncée, ma mère et mes sœurs ont lâché des hurlements si profonds que j'ai craint qu'elles n'expulsent leurs boyaux au milieu de la cour des Droits de l'Homme de ce pays. Beaucoup de jeunes du quartier ont vu rouge, chacun se sentait lui-même assassiné. « On va tout niquer », ont dit les uns et les autres. Il a fallu les rappeler à la raison, sous les regards des CRS, impassibles, mais peut-être frétillants d'impatience. On ne peut jamais savoir avec ces hommes d'acier au regard masqué.
Ce matin, je médite sur une belle question que Mourad m'a posée, quand il était au CM1 ou CM2.
- Amar ? Dis-moi : quand on est mort, c'est pour toute la vie ?
J'ai répondu sans réfléchir :
- Bien sûr !
Maintenant, je sais que c'est une jolie question sans réponse. Il faut la laisser comme elle est, avec son point d'interrogation au bout. Quand on est mort, c'est bien pour toute une vie. Mourad est mort pour tout ma vie, celle de mes parents, celle de mes sœurs. Pour plein de vies.
Les jours défilent, je ne peux pas évacuer ma haine. Tout se complique. Je n'arrive pas à réaliser. Trop de questions comme des crochets rouillés me taraudent. J'absorbe des tubes d'aspirine effervescente vitaminée. Mon pire ennemi est devenu mon estomac. Mon meilleur ami, le sommeil. Il sait neutraliser la peine.
Un médecin est venu la voir hier après-midi et il lui a prescrit des cachets, comme des bonbons pour les enfants. Les cachets sont les bonbons des vieux.
Des chansons stupides chantent que le temps passe, ce n'est rien, ou bien qu'avec le temps tout s'en va... Pour nous, sans mélodie, le temps passait et n'effaçait rien du tout.
Le petit Mourad quémande à nouveau des pièces dans les rangs. Des voyageur donnent de quoi manger, d'autre du mépris, moi, il m'aime beaucoup.
Bonjour j voullez achter ce livre svp
La rébellion n'est pas à l'ordre du jour. Il faut encaisser encore. C'est le prix du destin. Je ne crois plus au hasard.