La Société, tome 8 : Le premier pas

J’avale d’un trait le reste de mon café avant de m’intéresser au contenu du colis. J’y découvre des fromages de chèvre, des tomates grappes qui sentent bon, de la charcuterie très appétissante, des fruits frais ainsi, comme de bien entendu, qu’un gros concombre. C’est idiot, j’en ai rêvé de ce légume, mais j’ose à peine me souvenir de l’usage que j’ai pu en faire. Tandis que je rigole toute seule, Stéphane fait son apparition à la porte de la cuisine.
— Laisse ce concombre tranquille, s’il te plaît, me dit-il, un sourire aux lèvres. Je refuse de devoir me méfier du contenu de mon assiette.
— Tu as un humour plus pourri que le mien, et pourtant je m’entraîne, je lui rétorque, joueuse.
— Alors pourquoi riais-tu en caressant ce légume?
— Je repensais justement à ton indécente supposition, je mens effrontément.
— Tu as une façon d’y repenser assez troublante.
— Contrairement à ce que tu sembles supposer, je n’étais pas en train de masturber ce concombre, mais de le lustrer pour le rendre brillant. N’est-il pas plus appétissant comme ça? je demande en lui présentant le légume.
— Par moment, tu me fais peur, rigole-t-il. Range ce concombre dans le frigo, par pitié, Fred.
— Comme tu voudras.
Je m’exécute avant de procéder au rangement du reste des courses.

il ne m’a pas fallu longtemps avant d’apprivoiser complètement les quelque 660 chevaux de la bestiole. Et tout ça n’était rien encore en comparaison du moment précis où la barrière de péage de l’autoroute s’est levée devant moi.
J’en ai mouillé mon string.
Un comble!
C’était bien la première fois que je mouillais en payant.

Par certains côtés, nous nous ressemblons.
« Des têtes brûlées », affirme mon père.
« Des nanas qui savent ce qu’elles veulent et qui se donnent les moyens de l’obtenir », je dirais plutôt.
Après tout, on n’est jamais si bien servi que par soi-même. J’en fais encore l’expérience, ce soir.
— À ta santé! je lance en cognant mon verre contre celui de Lou qui approuve.

Je ne déteste rien de plus que ces cabines de magasin dans lesquelles je me trouve le teint blafard et l’air d’avoir abusé de crème glacée. Au moins, chez Madame Jeanne, je n’éprouve jamais cette cruelle impression. Son salon décoré comme un boudoir, les grands miroirs dorés, le canapé rouge, la lumière tamisée, et même la douce odeur qui nous enveloppe, tout contribue à ce qu’on se sente belle et désirable. On sort de chez elle le sourire aux lèvres avec un capital confiance gonflé à bloc. Ici, je me fais l’effet d’un mollusque échoué sur un banc de sable.

Je suis réveillée par le chant des oiseaux. Ça aussi, c’est une nouveauté. Je ne savais pas que ces bestioles pouvaient faire un tel concert de si bon matin.

Entre ses bras, je me sépare de celle que j'étais pour devenir quelqu'un d'autre, pour apprendre que le sexe n'est pas que de la mécanique, que le désir, le vrai, emporte bien au-delà de la simple satisfaction de l'organisme. Avec lui, je ne fais pas que me donner un bon moment, je fais l'amour... nous faisons l'amour, ensemble et complices.