dans ce pays, la femme n'a pas de droits, alors elle impose ses choix et elle se débrouille avec ce que la vie lui donne.
Quand elle évoque ses sentiments amoureux à l'égard de Nouredine, ma mère se mettait en colère : "l'amour ? Tu te crois dans un film américain ? Tu crois que j'aimais ton père avant notre mariage ? Chez nous, l'amour ça vient après, jamais avant, nous avons l'amour construit sur la raison et l'habitude.
La maison nous écrase. La maison nous nargue. La maison nous tue lentement. Elle a été la scène de notre bonheur bref et de notre malheur permanent.
Essayez de comprendre ce que ressent une jeune fille de seize ans, agressée dans son corps et dans son âme par un monstre libidineux, gluant et cruel. Vous n’existez plus, vous n’avez plus aucune raison de continuer de vivre, d’avoir des projets, d’aimer les autres et d’espérer. Tout vous est refusé. Tout vous tourne le dos. Arrive, épaisse et lourde, la solitude, la vraie, la grande, la stupide, la malfaisante, celle qui insiste, qui tourne autour de vous comme une vieille vipère puis s’enroule autour de votre cou, serre un peu, laisse à peine passer l’air, puis vous écrase de tout son poids, et dégage une odeur nauséabonde qui vous donne mal au cœur et à la tête.
Il y a eu de l’amour entre nous. Les premières années, nous nous entendions bien la plupart du temps. Il était doux et j’étais tendre. Il était attentif et j’étais aux petits soins avec lui. Il était élégant et j’étais belle parce que nous étions amoureux l’un de l’autre. Il ne rentrait jamais les mains vides. Toujours une fleur, quelques fruits, un bijou de rien du tout, un tissu.
Aucun homme parmi vous ne se lève pour aller le faire arrêter ou au moins lui casser la gueule, lui couper son horrible sexe avec lequel il a fait un trou dans mon hymen, un trou dans ma vie, un trou qui est en vérité ma tombe.
Dans des moments de grande lucidité, je me demande comment notre couple, parti pour vieillir avec sagesse, est devenu une monstruosité. Tant de haine, tant de hargne ! Cela ne nous ressemblait pas. À présent, notre enfer est bien installé, il a pris ses marques, il s𠆞st accoutumé à nos humeurs de plus en plus mauvaises, il s𠆞st adapté à nos manies, à nos faiblesses et aussi à notre volonté morbide de dire le mal, de faire le mal.
Ghizlane est une jolie fille, mon aînée de deux ans. Je sais que ses parents se plaignent de ses sorties fréquentes. Très tôt elle a eu le droit d’avoir un copain. Mes parents ne l’accepteraient pas. J’ai essayé une fois de la défendre auprès de mes parents, mais je n’ai entendu que des jugements sans fondement. Ma mère la soupçonne même d’avoir une relation avec un homme marié. Elle a appris ça au hammam, véritable chambre d’écho de la ville. Ici, on vit en pensant tout le temps à ce que pourraient dire les gens. L’opinion des autres sur soi est une obsession. On a peur d’être montré du doigt.
Le charme n’est pas donné systématiquement aux princes. Je rêve par exemple de grandir dans un environnement paisible. Je ne supporte pas la pauvreté qui se manifeste partout dans la ville. Trop de mendiants, trop d’enfants abandonnés, trop d’injustice. Ma mère me dit que c’est la volonté de Dieu ; on n’y peut rien ! Dieu a bon dos. J’ai compté l’autre jour, de la maison au collège il y a sept mendiants dont deux femmes avec chacune un bébé exhibé pour faire pitié.
Les Arabes se déchirent allègrement et ne cessent de tomber dans les pièges tendus par les Américains. C’est ainsi que la Palestine a été perdue, que l’Égypte est un navire à la dérive avec un dictateur aux commandes, que l’Arabie saoudite se fait dépouiller par les Américains et que le terrorisme au nom de l’islam ne cesse de se développer.