Citations sur Le mari de la harpiste (31)
Depuis peu, j'avais pris la décision de ne plus tomber amoureux, comme on se désintoxique du tabac, à la rude, sans patch ni groupe de soutien, mais un petit verre de temps en temps n'était pas superflu.
Sur la photo, Lola avait l'air d'un chérubin avec ses boucles blondes qui, pour une fois, lui découvrait les yeux. Aux États-Unis, on ne plaisante pas avec le passeport biométrique. A quatre ans comme à quarante, le visage doit être visible, car il n'y a pas d'âge pour épouser les thèses marxistes ou pour fomenter un détournement d'avion.
Les cordes d'un violon ou d'une guitare se frottent, celles d'un piano se frappent, mais celles de la harpe se pincent. Le pincé de la corde n'est pas donné au premier jour, il s'acquiert avec l'expérience, s'effectue avec la pulpe, les doigts recourbés, avec un léger toucher de l'ongle. Attention, il y a une longueur d'ongle idéale. Quand celui-ci est trop long, il assèche le son, cela s'entend. Charlie se trimballe toujours avec un coupe-ongles sur elle.
Garance excellait dans le largage de perfidie à haute altitude. Au début, on ne voit rien. Puis on repère une petite tache dans le ciel et, lorsque le parachute se déploie, on s'aperçoit que c'est volumineux, mais ce n'est qu'au moment où le colis se pose dans ton jardin qu'on comprend qu'il s'agit d'une tonne de fumier.
N'est-il pas vrai que do, ré, mi, fa, sol, la, si, dièse, bécarre, croches et blanches, rondes et noires, quintes, tierces et octaves forment l'algorithme d'une émotion universelle?
Ma mère disait que le son de la harpe était plus efficace pour soulager ses douleurs que n'importe laquelle des substances chimiques de la pharmacopée.
Je croyais qu'on aurait choisi son prénom avant son instrument et lui fis part de ma réaction.
-Les musiciennes ne perçoivent pas toujours la réalité de la même façon que nous.
La grande harpe nous dominait d'une tête et ses cordes émirent un bruissement à notre approche,comme les branches d'un chêne dans une clairière. Une résonance sourde et amicale qui incitait au respect.
Charlie n’écoute pas de musique. Elle en joue. Trois mois après notre emménagement, la chaîne hi-fi n’était pas recâblée et nos CD demeuraient empilés dans des cartons. Le détachement de la musique de loisir dont faisait preuve ma chérie constitua la première révélation de notre vie commune et, à l’entendre, son cas n’était pas isolé. Écouter semblait une affaire trop sérieuse pour s’accomplir distraitement en dégustant un whisky les deux pieds posés sur une table basse, en lavant la vaisselle, ou en repassant des chemises. Unique exception en ce qui concernait Charlie, je l’ai signalée : le hard rock. Mais il s’agissait plus d’une expérience de dépossession corporelle que de mélomanie.