Dans le culte du souvenir dédié aux êtres chers, éloignés ou disparus, la valeur cultuelle de l’image trouve son dernier refuge. Dans l’expression fugitive d’un visage d’homme, sur les anciennes photographies, l’aura nous fait signe, une dernière fois. C’est ce qui fait leur incomparable beauté, pleine de mélancolie.
[Le déclin actuel de l’aura des œuvres d’art] tient à deux circonstances, étroitement liées l’une et l’autre à l’expansion et à l’intensité croissantes des mouvements de masse. Car rendre les choses « plus proches » de soi, c’est chez les masses d’aujourd’hui un désir tout aussi passionné que leur tendance à déposséder tout phénomène de son unicité au moyen de sa reproductibilité. De jour en jour le besoin s’impose de façon plus impérieuse de posséder l’objet d’aussi près que possible, dans l’image ou, plutôt, dans son reflet, dans sa reproduction.
Chaque époque ne rêve pas seulement la suivante : en rêvant, elle tend aussi vers le réveil.
Haussmann s’est lui-même qualifié d’ « artiste démolisseur ». Il se sentait la vocation de son œuvre, et il y insiste dans ses Mémoires. Cependant, il rend Paris étranger à ses propres habitants. Ils ne s’y sentent plus chez eux. Ils commencent à prendre conscience du caractère inhumain de la grande ville.
L’individu, en essayant d’affronter la technique avec les seules armes de l’intériorité, court à sa perte.
« L’Europe s’est déplacée pour voir des marchandises » [Taine] Les Expositions universelles sont précédées par les Expositions industrielles nationales, dont la première se tient en 1798 sur le Champ-de-Mars. Elle est destinée à « amuser les classes laborieuses et devient pour celles-ci une fête de l’émancipation ».
Dans les passages, Fourier a vu le canon architectural du phalanstère. Caractéristique est la transformation réactionnaire qu’il leur fait subir : alors qu’ils servaient primitivement à des fins commerciales, il en fait des maisons d’habitation.
L’historien matérialiste ne saurait renoncer au concept d’un présent qui n’est point passage, mais arrêt et blocage du temps. Car un tel concept définit justement le présent dans lequel, pour sa part, il écrit l’histoire. L’historicisme compose l’image « éternelle » du passé, le matérialisme historique dépeint l’expérience unique de la rencontre avec ce passé. Il laisse d’autres se dépenser dans le bordel de l’historicisme avec la putain « Il était une fois ». Il reste maître de ses forces: assez viril pour faire éclater le continuum de l’histoire.
Les classes révolutionnaires, au moment de l’’action, ont conscience de faire éclater le continuum de l’histoire. La Grande Révolution introduisit un nouveau calendrier. Le jour qui inaugure un calendrier nouveau fonctionne comme un accélérateur historique. Et c’est au fond le même jour qui revient sans cesse sous la forme des jours de fête, qui sont des jours de commémoration. Les calendriers ne mesurent donc pas le temps comme le font les horloges. Ils sont les monuments d’une conscience historique dont toute trace semble avoir disparu en Europe depuis cent ans, et qui transparaît encore dans un épisode de la révolution de Juillet. Au soir du premier jour de combat, on vit en plusieurs endroits de Paris, au même moment et sans concertation, des gens tirer sur les horloges. Un témoin oculaire, qui devait peut-être sa clairvoyance au hasard de la rime, écrivit alors: « Qui le croirait! On dit qu’irrités contre l’heure, De nouveaux Josués, qui pied de chaque tour, Tiraient sur les cadrans pour arrêter le jour. »
L’histoire est l’objet d’une construction dont le lieu n’est pas le temps homogène et vide, mais le temps saturé d’« à-présent ».