Il est absolument faux de prétendre que les fins de la violence policière seraient toujours identiques, ou même liées, à celles du reste du droit. Le "droit" de la police indique bien plutôt en définitive le point où l’État, par impuissance ou en raison des corrélations immanentes à tout ordre juridique, ne peut plus garantir à travers l'ordre juridique les fins empiriques qu'il veut atteindre à tout prix. C'est pourquoi la police intervient "pour motif de sécurité" dans de nombreux cas où la situation juridique n'est pas claire - quand elle n'escorte pas le citoyen en réglant sa vie par ordonnance, comme une agression brutale sans le moindre égard pour les fins légales, ou ne les place tout bonnement sous surveillance.
Si la police peut paraître partout semblable jusque dans les détails, il ne faut pas finalement se méprendre : son esprit est moins dévastateur dans la monarchie absolue, où elle représente la violence d’un souverain qui réunit en lui l’omnipotence législative et exécutive, que dans les démocraties, où son existence, soutenue par aucune relation de ce type, témoigne de la plus grande dégénérescence possible de la violence.
En effet, dans l'exercice de la violence sur la vie et la mort, le droit se renforce lui-même bien plus que par n'importe quelle autre application de la loi. Mais c'est aussi là, précisément, qu'une sensibilité fine perçoit clairement qu'il y a quelque chose de pourri dans le droit, parce qu'elle se sait infiniment loin des rapports de proportion où le destin, à les appliquer, aurait manifesté sa majesté.
Ce n'est jamais la raison qui décide de la légitimité des moyens ni de la justice des fins, mais la violence du destin dans le premier cas, et Dieu dans le second.
L'Etat redoute cependant cette violence [du grand criminel], tout simplement parce qu'elle est fondatrice de droit, de même qu'il doit la reconnaître comme fondatrice de droit là où les puissances étrangères le contraignent à leur concéder le droit de lancer la guerre et les classes celui de faire grève.
Si le droit naturel ne peut juger chaque droit existant qu'en critiquant ses fins, le droit positif ne peut juger d'un droit en devenir qu'en critiquant ses moyens. Si la justice est le critère des fins, la légitimité est celui des moyens.
En tant que moyen, toute violence est soit fondatrice, soit conservatrice de droit.