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Citations sur La fin du monde en avançant (17)

Les tendances majeures de ce temps sont à l'abstraction, à la dématérialisation. Le travail a définitivement perdu sa dimension utilitaire. On échange des produits tarifés sur le marché global, dominé par des groupes qui conditionnent la demande à laquelle ils s'offrent à répondre. Les zones imprécises, marginales, personnelles où l'on avait le loisir de se réfugier après avoir fourni sa quote-part de labeur socialement utile, sont quadrillées, investies par d'autres groupes - à moins que ce ne soient les mêmes - qui proposent la musique en boîte, des séries télévisées, des films à grand spectacle et effets spéciaux qui parachèvent la mainmise sur les rêves et la pensée du capital financier multinational.
La généralisation des rapports abstraits s'est comme incarnée dans le décor. D'abord dans les grandes masses, avec les villes nouvelles et autres ZUP des années soixante et soixante-dix, les barres, les tours aux allures de boites de Kleenex jetées en plein champ avec, pour centre d'échange, la supérette, le bistrot PMU et la pharmacie posée sur la dalle. Et comme la vie et le travail se trouvaient dissociés, on a tiré au cordeau des voies rapides remparées de glissières en acier zingué, connectées au moyen d'échangeurs et de rocades où il vaut mieux éviter de se tromper parce qu'il n'est plus question de faire demi-tour et de recommencer. Le droit à l'hésitation, le goût ténu de la liberté ont disparu de la circulation.
Elle a pris la fixité d'un destin où il me semble reconnaître, lorsque je me hasarde sur les autoroutes de ceinture, l'esprit désastreux du présent.
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Le monde ancien s’éloigne. Ce qui s’apprête, derrière le rideau, sur la scène du troisième millénaire, je m’en moque un peu. Je suis du Pays Vert, d’un autre âge et l’on n’est qu’une fois. La suite ne m’intéresse pas
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L’utopie, au sens strict du terme, est en train d’envahir l’étendue où nous tentons de vivre, avec cette conséquence que nous n’avons plus nulle part où aller.
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Un vieux pays, le nôtre, a embrassé sans trop se l’avouer, sans le publier, les axiomes du néo libéralisme et en a tiré les conséquences pratiques. Cela veut dire que toute chose tend à être rapportée à sa seule valeur marchande et que les seules valeurs fixées par le marché tendent à déterminer, en retour, les conduites et les pensées.
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C’est dans l’espace le plus apparemment étranger, le mieux fermé au travail productif en vue du profit – à l’école – qu’on en constate l’incidence la plus éclatante. Les enfants sont, par définition, sans passé, donc éminemment perméables à l’air du temps, aux suggestions du présent. La mutation s’est faite en une dizaine d’années. C’est une humanité d’une autre sorte qu’on peut observer à l’état naissant derrière les murs des collèges et des lycées. Conditionnés de la plante des pieds à la pointe des cheveux par les multinationales de la bouffe et des fringues, de la musique en boîte et de l’électronique, vecteurs de logos, de stigmates corporels, acquis au langage cynique, ordurier du sous-prolétariat
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C’est parce que nous sommes restés très longtemps sédentaires, rêveurs ou insurgés, provinciaux, dans un univers mal désenchanté, que les livres furent inséparablement, pour nous, révélation et délivrance. Comment la jeunesse d’aujourd’hui s’y retrouverait-elle ? C’est d’un univers soudain révolu qu’ils parlent et celui qui l’a supplanté affiche ouvertement son offre et ses prétentions. Pour ces diverses raisons, qui ne tiennent pas à la littérature ni à son enseignement, mais au cours des choses, à la conversion d’une vieille nation à la culture néo-libérale, je nourris quelques inquiétudes non seulement sur l’enseignement de la langue et de la littérature, mais sur leur existence future
p. 58 - 59
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C’est une humanité d’une autre sorte qu’on peut observer à l’état naissant derrière les murs des collèges et des lycées. Conditionnés de la plante des pieds à la pointe des cheveux par les multinationales de la bouffe et des fringues, de la musique en boîte et de l’électronique, vecteurs de logos, de stigmates corporels, acquis au langage cynique, ordurier du sous-prolétariat intellectuel que le groupes financiers ont placé aux créneaux des médias, les innocents d’aujourd’hui construisent une identité autre, aliénée, à peu près entièrement réifiée. Ils confient à des « produits » le soin d’être et de parler pour eux
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C’est pour être restés à l’écart de l’échange généralisé, de l’évaluation strictement monétaire que les êtres, les objets, les heures se sont présentés comme autant de mystères enivrants ou terribles aux yeux de tous ceux qui tentaient d’en fixer les contours, d’en percer la teneur. La campagne désuète et charmante, les replis du cœur, les chambres de l’enfance, un cageot, un galet ne furent des énigmes qu’autant que la terre échappait à sa vérité nue, potentielle, de moyen de production, les sentiments aux « dures exigences du paiement au comptant », selon la formule de Marx, et au fétichisme de la marchandise, la vie à la finalité consumériste qui en épuise les propriétés. [...]

La première génération du XXIe siècle est essentiellement différente de toutes celles qui l’ont précédée. Elle ne saurait se reconnaître dans la littérature qui en conserve la trace. Affranchie des anciennes limitations spatiales et mentales par le développement des transports et des communications de masse, impatiente et désabusée, elle habite le non-lieu (l’expression est de Marc Augé) qui est en passe de couvrir toute la surface du globe, avec ses barres et ses tours, ses aires commerciales coiffées des mêmes sigles lumineux, ses parkings, ses rocades et ses dalles, ses ZUP et ses ZEP, ses immeubles de verre fumé, d’aluminium brossé, son bureau à moquette beige, ordinateur et plantes en pot. Connectée sur le Net, tripotant ses portables, elle est démonstrative, prolixe et approximative, dispensée de la concision et de l’exactitude de l’âge, tout proche, encore, où l’on ne parlait qu’avec la permission des adultes, où la sonnerie stridente du téléphone noir, lorsqu’elle vous faisait sursauter, annonçait un accident, une naissance ou un décès.
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Lorsqu’on se regarde soi-même comme un agent économique pur, hédoniste et calculateur, dont les initiatives s’inscrivent dans l’espace global, abstrait, des biens et des services tarifés, la richesse infinie du monde extérieur et les profondeurs obscures, indéfinies de l’intériorité qui lui faisait écho, s’évanouissent du même coup.
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Au silence champêtre, aux stupeurs de la société agraire traditionnelle ont succédé les communications de masse, l’offre concurrentielle, tapageuse, d’images, qui se donnent pour l’explication de l’aventure que nous vivons, le sens audible, visible de la vie au seuil du nouveau millénaire. Qu’ils soient très largement reçus, cela se vérifie à la modification rapide des façons d’agir, de sentir et de penser
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On ne revient pas en arrière.
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Les moteurs ont supplanté les bras. Le bref intermède qu’aura duré le passage de l’homme, sur les hauteurs, s’achève. Le vide reprend ses droits.
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Nous sommes pareils à des ensevelis après que la terre a tremblé. Nous tâchons à nous extraire de la ruine d’un siècle.
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