POÈMES INÉDITS
JARDIN
Enchevêtré d'eau et de branches
Qui est entré dans ce jardin dont l'ombre a refermé les portes
Et quel fleuve avons-nous passé, quel seuil, quel reflet sans
retour ?
Je pénètre un royaume obscur où les feuilles font un bruit
d'astres
Ivre, ébloui de ce regard qui germe au terreau de ma nuit
La tristesse est tombée de moi; la mort et la désespérance
Je suis un arbre de l'été verdoyant au fort des chaleurs
Parce qu'une main sur mon front a fait le signe des enfances
Je prête racine au matin sur quoi va se fonder le jour.
p.164
Le vin mordu
à René Guy Cadou
De bas brouillards tremblaient aux vallées de l'automne
Les chiens jappaient sans fin sur le bord des ruisseaux,
On entendait rouiller leurs abois dans l'écho
A des lieux et des lieux, sur des pays sans borne.
Le vent sentait la pierre rêche et le gibier
Il était dur et vif à nous trancher la gorge.
Nous nous hâtions vers quelque grange, dont le porche
Offrait déjà l'abri à des coqs qui chantaient.
Lorsque, sur le revers d'un coteau, nous trouvâmes
La jaune, apaisante, caresse des raisins:
Bien à l'écart du vent, des grappes plein les mains
Nous bûmes longuement, renversés sur la flamme.
POÈMES INÉDITS
AVRIL
Face à la montée grave de la sève
La nature se disculpait avec le geste doux des arbres ;
Un étrange jardin marchait en nous
Tressé d'eau, de lueurs et d'ailes.
Il n'y aurait rien à redire au monde si tout avait l'odeur des
jonquilles au printemps
Si la fragilité féroce des bourgeons
Restait cette fumée
Ce brouillard de feuillage et d'herbe à peine née
Appuyé à ton flanc.
p.161
Poésie - Emploi du temps - Luc BÉRIMONT