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Citations sur Mémoires (318)

15Quoi qu’il en soit j’avais résolu le problème, et tenu en échec l’état-major de mes ennemis. La recette s’éleva à huit mille cinq cents francs. La somme abandonnée par moi pour payer les musiciens de l’Opéra n’y suffisant pas, à cause de ma promesse de leur donner à tous vingt francs, je dus apporter au caissier du théâtre trois cent soixante francs qu’il accepta, et dont il indiqua la source sur son livre, en écrivant à l’encre rouge ces mots : Excédant donné par M. Berlioz.

Ainsi je parvins à organiser le plus vaste concert qu’on eût encore donné à Paris, seul, malgré Habeneck et ses gens, en renonçant à la modique somme qui m’avait été allouée. On fit huit mille cinq cents francs de recette et ma peine coûta trois cent soixante francs.

Voilà comme on s’enrichit ! J’ai souvent dans ma vie employé ce procédé. Aussi, j’ai fait fortune..... Comment M. Pillet, qui est un gentleman, souffrit-il cela ? Je n’ai jamais pu m’en rendre compte. Peut-être le caissier ne l’a-t-il pas informé du fait.

Peu de jours après, je partis pour l’Allemagne. Par les lettres que j’adressai, à mon retour, à plusieurs de mes amis (et même à deux individus[80] qui ne méritent pas ce titre), on va connaître mes aventures dans ce premier voyage et les observations que j’y ai faites. Ce fut une exploration laborieuse, il est vrai, mais musicale au moins, assez avantageuse sous le rapport pécuniaire et j’y jouis du bonheur de vivre dans un milieu sympathique, à l’abri des intrigues, des lâchetés et des platitudes de Paris.
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14Quoi qu’il en soit j’avais résolu le problème, et tenu en échec l’état-major de mes ennemis. La recette s’éleva à huit mille cinq cents francs. La somme abandonnée par moi pour payer les musiciens de l’Opéra n’y suffisant pas, à cause de ma promesse de leur donner à tous vingt francs, je dus apporter au caissier du théâtre trois cent soixante francs qu’il accepta, et dont il indiqua la source sur son livre, en écrivant à l’encre rouge ces mots : Excédant donné par M. Berlioz.

Ainsi je parvins à organiser le plus vaste concert qu’on eût encore donné à Paris, seul, malgré Habeneck et ses gens, en renonçant à la modique somme qui m’avait été allouée. On fit huit mille cinq cents francs de recette et ma peine coûta trois cent soixante francs.

Voilà comme on s’enrichit ! J’ai souvent dans ma vie employé ce procédé. Aussi, j’ai fait fortune..... Comment M. Pillet, qui est un gentleman, souffrit-il cela ? Je n’ai jamais pu m’en rendre compte. Peut-être le caissier ne l’a-t-il pas informé du fait.

Peu de jours après, je partis pour l’Allemagne. Par les lettres que j’adressai, à mon retour, à plusieurs de mes amis (et même à deux individus[80] qui ne méritent pas ce titre), on va connaître mes aventures dans ce premier voyage et les observations que j’y ai faites. Ce fut une exploration laborieuse, il est vrai, mais musicale au moins, assez avantageuse sous le rapport pécuniaire et j’y jouis du bonheur de vivre dans un milieu sympathique, à l’abri des intrigues, des lâchetés et des platitudes de Paris.
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13Immédiatement après cette partie du concert venait un entr’acte. Ce fut pendant ce moment de repos que les Habeneckistes crurent pouvoir tenter leur coup le plus facile et le moins dangereux pour eux. Plusieurs voix s’écrièrent du parterre : «La Marseillaise ! la Marseillaise !» espérant entraîner ainsi le public et troubler toute l’ordonnance de la soirée. Déjà un certain nombre de spectateurs séduits par l’idée d’entendre ce chant célèbre exécuté par un tel chœur et un tel orchestre, joignaient leurs cris à ceux des cabaleurs, quand m’avançant sur le devant de la scène je leur criai de toute la force de la voix : «Nous ne jouerons pas la Marseillaise, nous ne sommes pas ici pour cela !» Et le calme se rétablit à l’instant.

Il ne devait pas être de longue durée. Un autre incident auquel j’étais étranger vint presque aussitôt agiter plus vivement la salle. Des cris : «À l’assassin ! c’est infâme ! arrêtez-le !» partis de la première galerie, firent toute l’assistance se lever en tumulte. Madame de Girardin échevelée s’agitait dans sa loge appelant au secours. Son mari venait d’être souffleté à ses côtés par Bergeron, l’un des rédacteurs du Charivari, qui passe pour le premier assassin de Louis-Philippe, celui que l’opinion publique accusait alors d’avoir, quelques années auparavant, tiré sur le roi le coup de pistolet du pont Royal.

Cet esclandre ne pouvait que nuire beaucoup au reste du concert, qui se termina sans encombre cependant, mais au milieu d’une préoccupation générale.
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12Immédiatement après cette partie du concert venait un entr’acte. Ce fut pendant ce moment de repos que les Habeneckistes crurent pouvoir tenter leur coup le plus facile et le moins dangereux pour eux. Plusieurs voix s’écrièrent du parterre : «La Marseillaise ! la Marseillaise !» espérant entraîner ainsi le public et troubler toute l’ordonnance de la soirée. Déjà un certain nombre de spectateurs séduits par l’idée d’entendre ce chant célèbre exécuté par un tel chœur et un tel orchestre, joignaient leurs cris à ceux des cabaleurs, quand m’avançant sur le devant de la scène je leur criai de toute la force de la voix : «Nous ne jouerons pas la Marseillaise, nous ne sommes pas ici pour cela !» Et le calme se rétablit à l’instant.

Il ne devait pas être de longue durée. Un autre incident auquel j’étais étranger vint presque aussitôt agiter plus vivement la salle. Des cris : «À l’assassin ! c’est infâme ! arrêtez-le !» partis de la première galerie, firent toute l’assistance se lever en tumulte. Madame de Girardin échevelée s’agitait dans sa loge appelant au secours. Son mari venait d’être souffleté à ses côtés par Bergeron, l’un des rédacteurs du Charivari, qui passe pour le premier assassin de Louis-Philippe, celui que l’opinion publique accusait alors d’avoir, quelques années auparavant, tiré sur le roi le coup de pistolet du pont Royal.

Cet esclandre ne pouvait que nuire beaucoup au reste du concert, qui se termina sans encombre cependant, mais au milieu d’une préoccupation générale.
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11Le soir, à l’heure du concert, je n’étais pourtant pas sans inquiétudes. J’avais placé mon copiste dans l’orchestre pendant la journée pour garder les timbales et les contre-basses. Les instruments étaient intacts. Mais voilà ce que je craignais : dans les grands morceaux du Requiem, les quatre petits orchestres d’instruments de cuivre contiennent des trompettes et des cornets en différents tons (en si bemol, en fa, et en mi bemol), or il faut savoir que le corps de rechange d’une trompette en fa par exemple, diffère très-peu de celui d’une trompette en mi bemol, et qu’il est très-aisé de les confondre. Quelque faux frère pouvait donc me lancer dans le Tuba mirum une sonnerie en f, au lieu d’une sonnerie en mi bemol, comptant, après avoir ainsi produit une cacophonie atroce, s’excuser en disant qu’il s’était trompé de ton.

Au moment de commencer le Dies iræ, je quittai mon pupitre, et, faisant le tour de l’orchestre, je demandai à tous les joueurs de trompette et de cornet de me montrer leur instrument. Je les passais ainsi en revue, examinant de très-près l’inscription tracée sur les tons divers, in F, in E bemol, in B ; lorsqu’en arrivant au groupe où se trouvaient les frères Dauverné, musiciens de l’Opéra, l’aîné me fit rougir en me disant : «Oh, Berlioz ! vous vous méfiez de nous, c’est mal ! Nous sommes d’honnêtes gens et nous vous aimons.» Souffrant de ce reproche que j’étais pourtant trop excusable d’avoir encouru, je ne poussai pas plus loin mon inspection.

En effet, mes braves trompettes ne commirent pas de faute, rien ne manqua dans l’exécution, et les morceaux du Requiem produisirent tout leur effet.
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10Le lendemain, je comptais rester tranquille au moins jusqu’au soir : un ami[79] me prévint de certains projets des partisans d’Habeneck, pour ruiner en tout ou en partie mon entreprise. On devait, m’écrivait-il, couper avec des canifs la peau des timbales, graisser de suif les archets de contre-basse, et, au milieu du concert, faire demander la Marseillaise.

Cet avis, on le conçoit, troubla le repos dont j’avais tant besoin. Au lieu d’employer la journée à dormir, je me mis à parcourir les abords de l’Opéra en proie à une agitation fébrile. Comme je circulais ainsi tout pantelant sur le boulevard, mon bonheur m’amena Habeneck en personne. Je cours droit à lui et lui prenant le bras :
« — On me prévient que vos musiciens méditent diverses infamies pour me nuire ce soir, mais j’ai l’œil sur eux.

— Oh ! répond le bon apôtre, vous n’avez rien à craindre, ils ne feront rien, je leur ai fait entendre raison.

— Parbleu, je n’ai pas besoin d’être rassuré, c’est au contraire moi qui vous rassure. Car si quelque chose arrivait cela retomberait sur vous assez lourdement. Mais soyez tranquille ; comme vous le dites, ils ne feront rien.»
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9Le lendemain, je comptais rester tranquille au moins jusqu’au soir : un ami[79] me prévint de certains projets des partisans d’Habeneck, pour ruiner en tout ou en partie mon entreprise. On devait, m’écrivait-il, couper avec des canifs la peau des timbales, graisser de suif les archets de contre-basse, et, au milieu du concert, faire demander la Marseillaise.

Cet avis, on le conçoit, troubla le repos dont j’avais tant besoin. Au lieu d’employer la journée à dormir, je me mis à parcourir les abords de l’Opéra en proie à une agitation fébrile. Comme je circulais ainsi tout pantelant sur le boulevard, mon bonheur m’amena Habeneck en personne. Je cours droit à lui et lui prenant le bras :
« — On me prévient que vos musiciens méditent diverses infamies pour me nuire ce soir, mais j’ai l’œil sur eux.

— Oh ! répond le bon apôtre, vous n’avez rien à craindre, ils ne feront rien, je leur ai fait entendre raison.

— Parbleu, je n’ai pas besoin d’être rassuré, c’est au contraire moi qui vous rassure. Car si quelque chose arrivait cela retomberait sur vous assez lourdement. Mais soyez tranquille ; comme vous le dites, ils ne feront rien.»
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8« — Ce n’est pas pour l’argent, disaient-ils, mais les artistes de l’Opéra ne peuvent être moins rétribués que ceux des théâtres secondaires.

— Très-bien ! vous aurez vos vingt francs, leur répondis-je, je vous les garantis ; mais, pour Dieu, faites votre affaire et laissez-moi tranquille.»

Le lendemain, la répétition générale eut lieu sur la scène et fut assez satisfaisante. Tout marcha passablement bien, à l’exception du scherzo de la fée Mab que j’avais eu l’imprudence de faire figurer dans le programme. Ce morceau d’un mouvement si rapide et d’un tissu si délicat, ne doit ni ne peut être exécuté, par un orchestre aussi nombreux. Il est presque impossible, avec une mesure aussi brève, de maintenir ensemble, en pareil cas, les extrémités opposées de la masse instrumentale ; elle occupe un trop grand espace, et les parties les plus éloignées du chef finissent bientôt par rester en arrière faute de pouvoir suivre exactement son rhythme précipité. Troublé comme je l’étais, il ne me vint pas même à l’esprit de former un petit orchestre de choix, qui, groupé autour de moi sur le milieu du théâtre, eût pu rendre sans peine toutes mes intentions ; et après des peines incroyables il fallut renoncer au scherzo et l’effacer du programme. Je remarquai à cette occasion l’impossibilité qu’il y a d’empêcher les petites cymbales en si bemol et en fa de retarder, si les musiciens chargés de ces parties sont trop éloignés du chef d’orchestre. J’avais sottement laissé ce jour-là les cymbaliers au bout du théâtre, à côté des timbales, et malgré tous mes efforts ils restaient quelquefois en arrière d’une mesure entière. J’ai eu soin depuis lors de placer les cymbaliers tout à côté de moi, et la difficulté a disparu.
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7« — Ce n’est pas pour l’argent, disaient-ils, mais les artistes de l’Opéra ne peuvent être moins rétribués que ceux des théâtres secondaires.

— Très-bien ! vous aurez vos vingt francs, leur répondis-je, je vous les garantis ; mais, pour Dieu, faites votre affaire et laissez-moi tranquille.»

Le lendemain, la répétition générale eut lieu sur la scène et fut assez satisfaisante. Tout marcha passablement bien, à l’exception du scherzo de la fée Mab que j’avais eu l’imprudence de faire figurer dans le programme. Ce morceau d’un mouvement si rapide et d’un tissu si délicat, ne doit ni ne peut être exécuté, par un orchestre aussi nombreux. Il est presque impossible, avec une mesure aussi brève, de maintenir ensemble, en pareil cas, les extrémités opposées de la masse instrumentale ; elle occupe un trop grand espace, et les parties les plus éloignées du chef finissent bientôt par rester en arrière faute de pouvoir suivre exactement son rhythme précipité. Troublé comme je l’étais, il ne me vint pas même à l’esprit de former un petit orchestre de choix, qui, groupé autour de moi sur le milieu du théâtre, eût pu rendre sans peine toutes mes intentions ; et après des peines incroyables il fallut renoncer au scherzo et l’effacer du programme. Je remarquai à cette occasion l’impossibilité qu’il y a d’empêcher les petites cymbales en si bemol et en fa de retarder, si les musiciens chargés de ces parties sont trop éloignés du chef d’orchestre. J’avais sottement laissé ce jour-là les cymbaliers au bout du théâtre, à côté des timbales, et malgré tous mes efforts ils restaient quelquefois en arrière d’une mesure entière. J’ai eu soin depuis lors de placer les cymbaliers tout à côté de moi, et la difficulté a disparu.
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6Ainsi fut fait. J’avais un personnel de six cents exécutants, choristes et instrumentistes. Le programme se composait du 1er acte de l’Iphigénie en Tauride de Gluck, d’une scène de l’Athalie de Handel, du Dies Iræ et du Lacrymosa de mon Requiem, de l’apothéose de ma Symphonie funèbre et triomphale, de l’adagio, du scherzo et du finale de Roméo et Juliette, et d’un chœur sans accompagnement de Palestrina. Je ne conçois pas maintenant comment je suis venu à bout de faire apprendre en si peu de temps (en huit jours) un programme aussi difficile avec des musiciens réunis dans de semblables conditions. J’y parvins cependant. Je courais de l’Opéra au Théâtre-Italien, dont j’avais engagé les choristes seulement, du Théâtre-Italien à l’Opéra-Comique et au Conservatoire, dirigeant ici une répétition de chœurs, là les études d’une partie de l’orchestre, voyant tout par mes yeux et ne m’en rapportant à personne pour la surveillance de ces travaux. Je pris ensuite successivement dans le foyer du public, à l’Opéra, mes deux masses instrumentales : celle des instruments à archet répéta de huit heures du matin à midi, et celle des instruments à vent de midi à quatre heures. Je restai ainsi sur pieds, le bâton à la main, pendant toute la journée ; j’avais la gorge en feu, la voix éteinte, le bras droit rompu ; j’allais me trouver mal de soif et de fatigue, quand un grand verre de vin chaud, qu’un choriste eut l’humanité de m’apporter, me donna la force de terminer cette rude répétition.
De nouvelles exigences des musiciens de l’Opéra l’avaient d’ailleurs rendue plus pénible. Ces messieurs, apprenant que je donnais vingt francs à quelques artistes du dehors, se crurent en droit de venir tous m’interrompre, les uns après les autres, pour réclamer un payement semblable.
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