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Citations sur L'effet Larsen (33)

J'ai marché dans les ruelles, je suis montée aussi haut que je pouvais monter. De même qu'à Paris, je retardais mon retour auprès de ma mère. Le fait d'être ailleurs ne changeait rien du tout ; mais au moins, on voyait les étoiles. La nuit était belle, le ciel d'un noir bleuâtre, à peine voilé, iridescent. Je me suis cachée dans l'ombre de la cathédrale, adossée contre la pierre, et j'ai regardé les passants passer. Il en passait beaucoup. En couple, en groupe. Personne n'était seul ; personne, à part moi.
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Une semaine plus tard, Paul et moi attendions donc dans le parc de la fameuse clinique que Mira terminât sa toilette – ce parc fleuri, parfaitement «reposant», presque aussi impeccable que le jardin de Montreuil. Ils devaient avoir un horticulteur de génie pour que la végétation fût dans cet état d’excellence au lendemain d’une canicule pareille. Et puis, ce silence ! Un silence proprement… irréel. À l’époque, j’aurais sûrement dit : flippant.
Après que d’innombrables anges furent passés entre mes bulles remplies de fumée, Paul avait demandé :
– Tu connais, Murakami ?
– Qui ça ?
Mon oncle sortit un livre de la poche intérieure de sa veste. Cela s’appelait : la course au mouton sauvage.
– Il y a là-dedans un détail qui devrait t’amuser.
– M’amuser, c’est-à-dire ?
– Le héros du bouquin a une nouvelle Girlfriend, comme il dit. Et cette Girlfriend est « mannequin-oreille ».
Je toussotai, un peu perplexe.
– Nola, tu sais bien… Pour les pubs, il y a des mannequins-lèvres, des mannequins-fesses, des mannequins-nichons… Enfin, de la pub, quoi ! Bref, cette fille, le personnage, elle est mannequin-oreilles, parce que ses oreilles sont parfaites. Du coup, le héros est comme toi. Obsédé…
J’avais jeté un regard aux oreilles de mon oncle – ravissantes bien sûr, quoique trop grandes – et saisi le livre qu’il me tendait. Je l’avais retourné pour lire la quatrième de couverture.
– Ça a l’air bizarre.
– Justement, ça va te plaire !
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[...] cette jeune fille promise à un brillant avenir, un peu excentrique mais tout de même, sage et studieuse - de cette jeune fille-là que j'étais, celle que j'aurais du devenir, il ne restait plus rien. Ma mère continuait parfois de m'appeler Moineau mais l'oisillon semblait passé sous un bus, amas d'osselets et de plumes raides, écrabouillé. Je ne suis pas sûre qu'elle s'en rendit compte, ma mère, tout entière à tenter de survivre, à coups de médicaments, de larmes, et de momification ; mais cet été-là, je l'avais enviée. Envié sa douleur presque comique de veuve sicilienne, son superlatif malheur, ses étranges symptômes. Envié sa réclusion, cette espèce d'hors-la-vie auquel je n'avais pas droit, puisqu'il fallait bien que quelqu'un reste debout. En un sens, elle ne m'avait pas même laissé le temps d'être malheureuse. La perte de mon père m'avait volé l'enfance ; Mira me volait jusqu'à mon chagrin.
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Il était dix-sept heures mais il faiasait toujours aussi chaud, l'air sentait le rance et l'oxyde de carbone. J'ai croisé un groupe de gamins avinés qui chantait "On est les champions, on est les champions" à tue-tête. J'aurais voulu leur dire "Ca va, y'a prescription", mais le pays n'arrivait pas à s'en remettre. A les entendre - le coup de tête de Zizou, le crâne de Barthez, le but de Petit - cette finale France-Brésil constituait le plus grand événement terrestre depuis l'anéantissement des dinosaures. Cet été-là, tout le monde surfait su la vague bleue dans une joie grotesque, les ministres avaient dansé dans les tribunes sur Alexandrie, Alexandra, les vieux ressorti leur drapeau français rangé dans une malle depuis la Libération, comme si cette victoire allait être capable de restaurer nos vies, d'organiser le chaos, d'empêcher les gens de s'entretuer, les maladies d'apparaître, les coeurs de se fendre, comme si les billets de banque allaient tomber du ciel, remplir les ventres, guérir le chômage, comme si - même tiens, pourquoi pas ! - cette victoire allait bouche la couche d'ozone et sauver la planète. Et moi, l'horreur pendue au cou au milieu de toute cette liesse, je me sentais si seule ! J'aurais voulu crier "Allez vous faire foutre, allez tous vous faire foutre avec votre triomphe, votre allégresse de merde, qu'on soit éliminés, humiliés, vaincus et qu'on me rende mon père !
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ce n'était pas de la colère, c'était de la déception, une immense et intolérable déception, l'impression désespérante que décidément personne, non, PERSONNE n'était digne de confiance. Que tout le monde, tôt ou tard, finissait par partir. Que quoi qu'il arrive, on est toujours tout seul. Définitivement et inexorablement tout seul. Je prenais conscience pour la première de cette vérité-là, la plus inaltérable des vérités.
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Les craintes se déplacent, semblables à ces poussières qu'on cache sous les tapis et qui ressortent ailleurs, plus denses, plus noires, parce qu’additionnées aux nouvelles poussières, éternel recyclage d'angoisses embouteillées.
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La vie a cette époque semblait crochetée sans relâche par un sort-aigrefin : chaque calamité se dégottait une remplaçante, on engageait de l'angoisse à tort et à travers, les plaies se photocopiaient, se retouchaient, rapetissaient ou grandissaient mais, inexorablement, s'accumulaient en nous comme des poupées gigognes.
Ca non, papa : le malheur ne connaît pas la crise.
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Les craintes se déplacent, semblables à ces poussières qu'on cache sous les tapis et qui ressortent ailleurs, plus denses, plus noires, parce qu’additionnées aux nouvelles poussières, éternel recyclage d'angoisses embouteillées.
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[...] s'éloigner de ce qui est pour espérer un autre sera... (p.343)
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Nos existences prennent parfois l'allure de cavernes, nos actes d'échos : on décide les choses dans un but manifeste, on hurle depuis un lieu précis à l'intérieur de soi, mais le résultat s'entend ailleurs, ricoche sur les parois, revient en boomerang d'un endroit imprécis, avec un nouveau timbre, une nouvelle couleur. (p.215)
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