Constatez le scandale ! La fille de Zeus me déshonore. Parce que je suis boiteux – qu’y puis-je ? –, elle me préfère ce bellâtre d’Arès qui a les jambes bien droites. Venez, voyez où ils font l’amour : dans mon propre lit. Je crois qu’ils n’ont plus grande envie d’y rester. Mais ils y resteront jusqu’à ce que Zeus consente à reprendre sa dévergondée de fille et me rende les cadeaux que je lui ai offerts pour l’obtenir.
Nul ne s’attendrissait alors sur les animaux élevés pour la consommation.
La présente prospérité, il le savait bien, ne tenait qu’à sa personne. Or la relève était mal assurée. Il avait comme seul héritier ce fils plus tout jeune qui n’était pas encore marié et tardait à faire ses preuves. Faute d’occasions certes, mais les occasions, il ne les cherchait guère.
Abordant la cinquantaine, il atteignait l’âge où l’on est tenu pour un vieillard. Il en tirait la leçon et s’apprêtait à transmettre le pouvoir à son fils Télémaque.
Ulysse avait gagné son dernier pari contre le destin. Nulle terre ne pourrait revendiquer son tombeau et s'approprier sa mémoire. Libre, il serait partout et nulle part. Son histoire foisonnante stimulerait l'imagination des poètes et son caractère multiforme se prêterait à des portraits contrastés. Place à la légende! Tout était prêt. Sur la terrasse de sa maison Euphore, debout face à la mer en longue robe blanche, prit la cithare que lui avait léguée Phémios et se mit à chanter: "Ô muse, conte-moi l'aventure de l'homme à l'esprit fertile en toutes choses..." Et son chant, relayé par les vents, commença d'envahir l'espace et le temps.