Citations sur La maison atlantique (99)
L’important, c’est de dire, d’expulser. Moi, j’ai tout gardé à l’intérieur. Tout comprimé. Comme si je pressentais qu’il adviendrait nécessairement un moment, une circonstance, une occasion où l’éclatement de cette colère provoquerait les plus grands dommages, des dommages irréversibles. P 36
Voilà la chose la plus difficile: apprendre à vivre avec ses disparus. Les ranger dans une boîte afin qu'ils deviennent des souvenirs. Les tenir à distance pour qu'ils cessent de nous heurter. Les aimer infiniment pour ne pas être dévoré par le manque. Faire de cette pensée douloureuse une pensée calme. Passer de la douleur brute à la douceur fragile. Cela demande du temps, et de la persévérance.[..] Et quand on a appris, alors on est imbattable.
Dans l'intervalle, j'ai appris à vivre avec une morte. Voilà la chose la plus difficile : apprendre à vivre avec ses disparus. Les ranger dans une boîte afin qu'ils deviennent des souvenirs. Les tenir à distance pour qu'ils cessent de nous heurter. Les aimer infiniment pour ne pas être dévoré par le manque. Faire de cette pensée douloureuse une pensée calme. Passer de la douleur brute à la douleur fragile.
Les maris ont un cruel défaut d'imagination qui fait la fortune des amants.
Le Café du Commerce, lui-même, avait été repeint de frais. Ma mère m'y emmenait souvent, le soir. Nous dînions d'huîtres et de vin blanc. Ou plutôt elle me laissait tremper mes lèvres dans son verre. Quand nous rentrions, elle disait que la tête lui tournait. Cette expression me faisait penser à une toupie. Parfois, on ne se rend pas du tout compte que les gens se noient devant nos yeux.
Était-ce de la cruauté de sa part ? Il l’aurait nié. Cependant, il s’y entendait comme personne pour commettre ces actes apparemment anodins qui sont plus blessants que les agressions les plus explicites (il s’était maintes fois révélé expert en méchancetés minuscules). P 27
Depuis, j'ai appris à aimer ce moment où les cuirasses tombent, où les fragilités se dévoilent, où les destins bifurquent. Ces secousses intimes qui disent sur nous bien plus que toutes les déclamations. Ces rééditions silencieuses, que seul le corps trahit.
« Ses épanchements continuels constituaient une source d’embarras. Et surtout, surtout, la souffrance invisible et néanmoins profonde qu’ils infligeaient à ma mère alimentait mon ressentiment à l’endroit d’un type qui se croyait tout permis, et dont l’égoïsme paraissait sans limites. P 22
Ma mère, en se tuant, n’a laissé aucun mot d’explication. Pas la moindre lettre ; même pour moi. Je vais vous faire un aveu : cette lettre, pourtant, je l’ai cherchée pendant des années. Je crois que je la cherche encore.
Mon père voulait que je fasse math sup., que je devienne ingénieur, que j'aie un métier sérieux, reconnu, bien payé. Il répétait : "Tu as des facilités. Ne cède pas à la facilité." J'avais horreur de ses formules. Il croyait faire des bons mots.Il était très fier de lui. Cela me mettait hors de moi.