Un mot sur une table, c’est quelque chose qui m’effraie, et je crois que cette sensation ne partira jamais.
-Vous allez hésiter chez vous, bien au chaud. Vous allez vous faire foutre un petit coup et vous revenez me voir quand on pourra vraiment parler moto sans me faire perdre
mon temps. D’accord ?
— Mais, euh… Je… Pardon ? Le client est roi ! — Le roi des cons. Allez, zou !
— C’est une honte !
— Ce sont vos mocassins à glands qui sont une honte.
Et dans ce théâtre industriel à l’abandon, on s’oublie à la lueur d’une passion qu’elle insuffle, comme un doigt d’honneur à ses épreuves, comme pour nous prouver que rien ne peut nous détruire.
Je suis mort devant cette table, ici même. Face à ton petit mot qui me reprochait le clan, et tout ce que j’étais. Je te vois pas comme une victime, juste comme celle qui m’a détruit. Je dors plus, je me nourris plus. J’ai cessé de vivre, Ceana. Ne me demande pas d’avancer.
J’ai le palpitant qui marque le tempo d’un chant funeste, un écho vertigineux ressemblant aux basses inquiétantes d’un hymne à notre destruction imminente.
Tearon c’est zéro ou à fond, c’est le silence glaçant ou l’aura d’un meneur, même s’il s’en défend. C’est la passion ou la haine, le mutisme et des coups de sang. Il y a rarement des nuances dans son comportement, qu’il s’agisse de baisser les bras totalement ou de vouloir protéger les siens à contre-courant.
Je ne dis pas que je n’éprouve pas la peur, à vrai dire, je suis même terrifié de ce qu’il pourrait se passer à l’extérieur, mais s’il y a bien une chose que les SF m’ont appris, c’est qu’on ne peut pas se défiler éternellement.
Maintenant, tout est clair, le sacrifice de Ceana n’a servi à rien, parce que trois ans après son drame, je connais une bande d’enfoirés venus de Dublin qui vont payer la facture.
Ça ressemble à un grand saut dans un ravin. Tu crois que t’as touché le bonheur des doigts, que tu roules sur les plus belles courbes du destin et tu te manges un 38 tonnes qui t’arrive en pleine face sans crier gare. Ceana est comme ça, c’est un Glock sans aucun cran de sécurité, une ombre insaisissable, deux côtés d’une même pièce qui me laissent toujours fauché, les poches aussi vides que le cœur.