Quand mon père est parti, mystérieux, intact,
Je l'aimais comme un fils : il était devenu
Mon enfant, dès là que je fus homme.
Ceux de son temps ne s'ouvraient point le coeur,
Sinon, quand il fallait dans l'ombre, au confesseur.
quels gens secrets, bon Dieu ! Quelle époque mondaine !
On y taisait le mal, on y pleurait tout seul,
Et le Seigneur était de bonne compagnie.
L'orsqu'un drame éclatait dans nos vieilles familles,
Et la vie reprenait, digne, légère, aimable.
Les jeunes gens souffraient de fièvres bien cachées.
On vivait très unis, sans rien connaître , en somme,
De son mari; on devinait, laissant le reste
A la discrétion des puissances célestes.
Si je n'avais ce peu d'orgueil
Pour tenir seul contre le monde,
Une douleur m'aurait détruit.
Si je n'avais ce rien d'orgueil,
A peine il couvre ma faiblesse,
Je serais l'homme de la foule
Qui jamais plus ne peut l'aimer.
Est-ce moi qui ai dit à mon coeur : "Plus encore !" ?
Or, je le tiens de Lui cet absurde vouloir.
Lui, qu'il me prenne et me broie tout à l'aise.
Je veux être vaincu mais par la seule Vie.
Pas un degré plus bas que la toute-Beauté.
Si cet orgueil vous semble un rêve immense,
Il n'est pour moi que l'humble goût d'aimer.
Vidéo de Jacques Biebuyck