on n'imagine jamais
en grandissant
que le monstre sous notre lit
puisse exister réellement
mais moi il était là
chaque nuit à la place d'à côté
à me regarder dormir
après avoir tenté de m'étouffer
on nous parle si peu
de la douleur de la rupture
lorsqu'elle n'est pas amoureuse
on ne nous en parle pas
on ne nous y prépare pas
à ces amitiés qui s'étiolent
à celles qui s'envolent
ou encore de ces personnes
qui arrachent un bout de nos cœurs
en quittant nos vies sans prévenir
on nous parle sans cesse
de l'amour amoureux
des papillons, de la chute
mais jamais de toutes ces autres formes
puissantes et destructrices
qu'il peut prendre aussi
mes plus grosses peines d'amour
n'ont jamais été amoureuses
ils ne se sont jamais excusés
de m'avoir ôté sans un mot
cette partie de moi
que j'aimais tant
ils ont voulu m'expliquer
ils se sont justifiés
ils ont pleuré aussi
mais ils ne se sont jamais excusés
pour mes larmes à moi
ma douleur
l'horreur de la découverte
l'atrocité de mon absence
par le choix de leur silence
pour le traumatisme
et les années passées
à tenter d'en guérir
je suis tellement détraquée
que j'écris dans l'urgence
pour tout me rappeler
et me souvenir
que je n'ai rien inventé
écrire avant même d'avoir réussi
à apaiser les larmes
tout décrire à chaud
les mécanismes
les pensées
les angoisses
de l'horreur psychique
que je viens de vivre
c'est la solution que j'ai trouvée
pour réussir à me croire
…j’ai fondu en larmes en lui répondant
que mon art était tout ce que j'avais
la seule et unique chose que j'étais
et que si l'on venait à me l’ôter
il ne me resterait rien
il y a des blessures
dans mon corps
qui ne guérissent pas
et il y a des lésions
dans ma tête aussi
qui ne s'en vont pas
non plus
ce n'est pas grave
le temps fait bien les choses
mais aujourd'hui je ne sais plus
si elles partiront
un jour
je chancelle souvent
mon corps fatigue
ne tient plus debout
et moi
je n’ai plus la force
de le porter
alors que fait-on dans ce cas
lorsque tout en nous lâche ?
j’aimerais lui expliquer
mais mes mots ne sont jamais suffisants
et j’ai constamment peur
de tout avoir inventé
comment pourrait-elle me comprendre
si moi-même je ne crois pas
quand je tente de raconter
les crises d’horreur que je subis
peut-être que la fatigue
c’est juste ce moment où
tout se déconnecte
où plus rien n’est clair
les larmes coulent seules
les raisons sont floues
surgissent et s’effacent
rien n’a vraiment de sens
mais les nerfs lâchent
et tout disjoncte
comment ton silence
peut-être faire plus de bruit
que les mots que tu n’as
jamais prononcés