Citations sur Le Très-Haut (31)
- Mais les malades existent ! cria-t-il. Je suis malade.
- Quoi ? Je l'écoutais à peine : quel air il avait ; une apparence terreuse, livide ; quel dégoût. Qu'est-ce qui vous a acculé au désespoir ? Qu'importe votre désespoir, votre maladie ? Vous n'êtes pas le premier malade. Vous serez soignez, vous guérirez, vous recommencerez à travailler. Ou bien...
Mais il se passait cette chose étrange : personne ne me regardait, ne semblait s'être aperçu de ma présence, tout à fait comme si personne n'avait été là et qu'autour de nous il n'y avait eu qu'un vide bruyant, un véritable désert, vulgaire et sordide.
Je suis parfaitement libre comme tout le monde. Et d'ailleurs, mon opinion n'est rien, n'est qu'une allégorie, je n'y crois pas.
Mais surtout, parce que vous êtes tellement inféodé à ce monde que même lorsque vos pensées deviennent tout à fait bizarre, elles vous sont encore soufflées par lui, elles le reflètent, elles le défendent. Même votre maladie voudrait m'endoctriner. Oui, vous m'avez appris cela. C'est impressionnant. Cela en vaut la peine.
- Que je me décide, peut-être. Réfléchissez : tous les événements de toute l'histoire sont là autour de nous, exactement comme des morts. Depuis le fin fond des temps, ils refluent sur aujourd'hui ; ils ont existé, certes, mais pas complètement : lorsqu'ils se sont produits, ce n'étaient que des ébauches incompréhensibles et absurdes, des rêves atroces, une prophétie. On les a vécus sans les comprendre. Mais maintenant ? Maintenant, ils vont exister pour de bon, c'est le moment, tout réapparaît, tout se révèle dans la clarté et la vérité.
Brusquement, il se retourna, s'assit, les yeux fixés sur les miens ; puis il se dressa sur ses pieds d'un bond terrible et, poussant un cri aigre, semblable à un cri de femme, il se mit à hurler : "Je ne suis pas mort, je ne suis pas mort", et même quand ma main se fut appliquée sur sa bouche, la pressant et l'écrasant pour l'étouffer, mes doigts continuèrent à entendre ce même cri, et rien ne put le faire taire
Je n'étais pas seul, j'étais un homme quelconque. Cette formule, comment l'oublier ?
Pendant les psalmodies solennelles, au cours desquelles se répétait, comme s'il se fût agi d'une souffrance présente, le souvenir des jours de détresse, chacun sans doute prêtait l'oreille, mais quelqu'un de très haut écoutait aussi, quelqu'un qui par son attention donnait à ces ruminations lamentables un caractère d'espérance et de beauté.
Il faut que vous vous en rendiez compte, lui dis-je de toute la force de ma légère sympathie. Je suis un piège pour vous. J'aurai beau tout vous dire ; plus je serai loyal, plus je vous tromperai : c'est ma franchise qui vous attrapera.
Oui, sans doute, j'étais là-bas, je ne pouvais me distinguer d'eux ; mon visage, comme le leur, levé vers le monument, était un visage parmi des milliers d'autres : il ne comptait pas et pourtant il comptait ; c'était cela qui était terrible ; même absent il comptait ; je faisais parti du cortège, j'étais pris dans une masse étouffante, je ne pouvais bouger, ni non plus trouver un appui.