Marlène Dietrich

Ses apparitions à l’écran sont comme une thérapie pour le moral du public dans les dernières années de la guerre. En novembre 1918, les sociaux-démocrates lui demandent d’intervenir devant les soldats et les matelots, fers de lance de la révolution, comptant sur son effet apaisant pour les calmer.

Dans ses Mémoires, Marlène Dietrich attribue, on l’a vu, à ses poètes et penseurs favoris un rôle de bouclier contre les dangers qui pourraient assaillir une jeune fille. Il y a là une de ces reconstructions de son passé dont elle sera coutumière. Des très nombreux témoignages de contemporains il ressort que Marlène n’a rien d’une jeune fille timide et effacée. Elle cherche au contraire à attirer les regards et, pour cela, n’hésite pas à se faire aguicheuse. Elle porte volontiers des robes dans une mousseline légère passablement transparentes. Après cela, faut-il vraiment s’étonner de la suite ? Marlène est partie à Weimar pour parfaire sa formation de violoniste. A cette fin, elle ne s’entraîne pas moins de cinq heures par jour, une astreinte qui est pour elle une nouvelle école de discipline. Pour sa fille, Joséphine a pris le meilleur des maîtres, le professeur Robert Reitz. Mais celui-ci n’est pas seulement un maestro reconnu. Ce digne pédagogue a aussi la réputation de ne pas être à l’abri des tentations de la chair. Il faut dire que, par son comportement, Marlène joue avec le feu. Une boutade circule d’ailleurs parmi les pensionnaires de l’internat « Marlène reizt Reitz », un jeu de mots impossible à rendre exactement en français, mais dont la traduction « Marlène aguiche Reitz » ne permet aucune ambiguïté. Subjugué par la beauté de son élève, Reitz en perd la tête.

La lecture de son journal révèle une facette de sa personnalité, le besoin d’aimer et d’être aimé, un trait qui se dessine dans les années d’adolescence, mais qui se vérifiera bien au-delà, jusqu’à devenir une constante de sa vie d’adulte. Marlène goûte la saveur des premiers baisers, tout en fixant la limite que la décence lui interdit de franchir. Elle n’envisage d’ailleurs pas son avenir en dehors des chemins tracés. Pour preuve, elle consulte une voyante pour apprendre quand elle rencontrera son futur mari.

Je suis amoureuse. Je le sais depuis quelques jours, mais est-ce que je suis vraiment heureuse, je n’en sais rien. Je suis bête pour cela. Je pense toujours à ce qui pourrait arriver, je n’arrive même pas à me réjouir des rares moments de bonheur, parce que je me dis toujours : pourquoi commencer d’aimer ? ça ne durera pas, et ensuite je serai encore plus triste.

Tout au long de ces années noires, Marlène a la chance de trouver dans la musique un réconfort. Ce qui n’était au départ qu’un divertissement de jeune fille de bonne famille a changé de nature. Elle a acquis un niveau qui l’autorise à rêver d’une carrière de soliste. Elle y est au reste encouragée par sa mère qui voit dans ce choix une perspective digne de sa condition. Joséphine veille à ce que lui soient donnés tous les moyens pour réussir.