La leçon du brin d'herbe

Ainsi, les étagères de mon bureau détiennent plus d'ouvrages sur la nature, sur la faune et la flore, que n'en demande le botaniste ou le zoologiste pour sa formation complète. Des rayonnages entiers de livres que, pour la plupart, je n'ai ouvert qu'une seule fois, le jour de leur acquisition, et laisse depuis s'empoussiérer tout en haut de la bibliothèque- on appelait autrefois
" rossignols" de tels livres, qui restaient perchés sur les plus hauts casiers des libraires, comme le rossignol chante sur la plus haute branche.
Il arrive quand même que j'emporte l'un ou l'autre de ces volumes, le plus accessible de sa spécialité, pour identifier les plantes rencontrées en chemin.
C'est un geste de bonne volonté. J'exprime ainsi le désir sincère- quoique faible et périssable- d'étendre mon savoir, ou plutôt de le constituer.

( p.116)



( p.115)

Un pays lointain contient toutes les promesses d'un nouveau monde. Il semble au voyageur ouvrant les yeux à l'envers de la Terre qu'il s'éveille à une vie différente, peut-être meilleure . Cette espérance n'est jamais si forte qu'au matin du premier jour , dans l'instant inappréciable où la lumière d'un autre soleil baigne la conscience . L'ombre d'un palmier se profile , élégante sur le plafond de la chambre . Un parfum de figue mûre monte du jardin . Parfois c'est un oiseau dont le cri insolite brusque le silence.
Sur le lit où peut-être il a dormi tout habillé , au milieu de ses valises intactes , le voyageur éprouve alors le plus rare des vertiges . Égaré, sans certitude du moment ni du lieu, son esprit connait brièvement la stupeur de l'enfant venu au monde .

Les disciples de Montaigne

Les idées les mieux reçues sur le voyage est qu'on partirait pour rencontrer des gens. Comme si le monde n'était habité que d'humains, et que ce verbe, rencontrer, ne pouvait s'appliquer qu'à nos semblables. (...)
Pour ma part, si j'apprécie de découvrir d'autres cultures et m'initie volontiers aux moeurs et aux langues étrangères, mon intérêt n'est pas moins vif pour les arbres, les plantes, les animaux qui peuplent les contrées habitées par les hommes. (p. 23)