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3,4

sur 408 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Passionnant, intelligent, remarquablement construit : ce roman m'a captivée. Peut-être parce que la famille Boltanski - ou faut-il parler de tribu ? - porte en elle des gènes éminemment romanesques. Peut-être aussi parce que l'auteur utilise ici son savoir-faire d'excellent journaliste reporter pour mener l'enquête et tenter de restituer l'alchimie subtile qui a abouti à la construction de cette famille hors du commun. Sûrement également parce que l'idée de faire parler les murs de la maison qui les a abrités (et le mot est ici particulièrement juste) permet d'aboutir à un résultat aussi original que séduisant.

C'est donc à une visite que nous convie Christophe Boltanski. Celle de la maison de ses grands-parents, rue de Grenelle. Etienne et Marie-Elise, appelée aussi Myriam mais on verra que la question de l'identité est assez centrale dans ce livre. Un fils d'émigrés juifs russes ayant fui les pogroms à la toute fin du 19ème siècle et une fille de famille de la bourgeoisie bretonne, offerte en cadeau à une parente isolée pour lui servir de fille et d'héritière. Un couple soudé, que rien ne séparera, ni les guerres, ni la polio contractée par Marie-Elise à trente ans et qui la laissera définitivement handicapée. Un couple qui envisage sa maison comme un cocon qui les isole de l'extérieur et les protège.

De pièce en pièce, l'auteur redonne vie à cette famille, faisant surgir des scènes, des dialogues, des instants de vie et des moments de drame. Il compare son travail d'enquête au jeu du Cluedo, petit clin d'oeil à la difficulté souvent rencontrée pour reconstituer l'histoire, ainsi qu'aux secrets qu'ont parfois abrités les pièces. Car si le couple ressent le besoin de créer un refuge, c'est qu'il y a danger (l'antisémitisme, puis les rafles pendant la guerre) et Etienne, bien que converti au catholicisme dans les années 30 reste dans le collimateur des occupants en 1943. Une période évoquée lorsqu'on arrive à la petite pièce baptisée "entre-deux" dans laquelle une cache a pu être aménagée, permettant à Etienne, empêché d'exercer la médecine et menacé d'arrestation de se cacher jusqu'à la libération de Paris.

On est à la fois époustouflé par la curieuse manière de vivre de la tribu Boltanski (enfants déscolarisés, désir tellement fort de ne pas être séparé que tout le monde dormait dans la même pièce, peu d'attention accordée aux repas ou au ménage...) et curieux de constater comment ce climat, véritable terreau de créativité a abouti à générer autant de talents intellectuels et artistiques (Luc, sociologue et Christian, plasticien sans oublier l'activité littéraire de Marie-Elise elle-même).

Et puis il y a cette question de l'identité, un fil rouge qui donne sens à ce roman. Car l'auteur s'interroge sans cesse sur la réalité de ces gens qui forment sa famille et dont les origines sont sans arrêt remises en question. C'est ce qui arrive lorsque l'on doit fuir, maquiller son identité pour échapper au pire. Fausses identités, fausses déclarations, faux certificats... A quoi se fier ? Aux romans écrits par sa grand-mère, hautement autobiographiques ? Mais dans quelle mesure ?

J'ai pris un énorme plaisir à cette visite riche en émotions et en images sur pratiquement un siècle. Depuis la Fiat 500 où tout le monde s'entassait (toujours pour éviter d'être séparés) jusqu'au salon, théâtre de la vie sociale de cette famille pas comme les autres, en passant par les lieux plus intimes (chambre, salle de bains, bureau) propices à creuser plus avant les caractères et les personnalités de chacun. Sans oublier le grenier et ses jeux d'enfants. Mais c'est peut-être la visite de la cuisine qui m'a le plus touchée avec cette réflexion qui relie identité et nourriture. "Elle qui ne mangeait rien nous transmettait une tradition culinaire pour solde de tout compte. Pas de folklore exotique, pas de coutumes à respecter, pas de langue rare à sauver de l'oubli, pas de culture ancestrale à entretenir par-delà les frontières. Juste des recettes. Une nourriture qu'il fallait qualifier de "russe" pour ne pas dire juive."

Passionnant, intelligent, remarquablement construit. Quoi ? Vous n'êtes pas encore chez votre libraire pour en quérir un exemplaire ?
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Raconter serait déflorer le plaisir de pénétrer "La cache" décrite par Christophe Bolstanski petit-fils, neveu, fils, frère d'une tribu particulière.
Depuis les aïeux jusqu'aux êtres toujours vivants, l'auteur se souvient, s'émeut, nous livre ce qui le constitue depuis sa naissance.
Une famille où flotte pudiquement l'amour et où sévit une liberté peu commune.
Des lieux mystérieux, bohèmes où les enfants peuvent puiser à la source du rêve et se construire.
Une famille originale traversant les épreuves avec une force qu'on ne peut qu'admirer tant la mesquinerie (l'horreur) humaine explique la sauvagerie de l'un, la méfiance de l'autre et le repli.
Une grand-mère ouverte à la différence aussi brutale soit-elle, montrant le chemin de la réflexion et d'une forme de tolérance.
Sa personnalité particulière et riche constitue le pivot central de la famille.
Des êtres qui ne sont plus mais dont l'empreinte reste indélébile pour les générations suivantes.
Jamais le livre ne tombe dans le pathos ou la glorification.
L'auteur raconte la vérité, la sienne ou celle d'autres membres de la famille, peu importe qu'elle soit bousculée par le temps qui passe et l'enduit de couches successives.
L'auteur parcourt les lieux et nous y invite. On perçoit l'atmosphère dans son émotion pudique et tendre. On comprend ses démarches, on lit avec empathie.
Il nous rend familiers ses grands-parents, ses oncles et tous les autres.
Ils se gravent dans notre mémoire.
Il y a l'évocation de l'antisémitisme, de la guerre, le trouble d'une époque maudite. Un témoignage de plus sur l'inimaginable.
"La cache" s'est ouverte pour nous avec ses joies, ses douleurs et sa force. Nous la refermons imprégnés de son monde.
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Construire un roman à partir d'un vieil hôtel particulier, élaborer chaque chapitre à partir d'une pièce, y faire revivre chaque membre de cette famille extravagante avec ses peurs, ses névroses, ses joies, ses espoirs, est en soi déjà très original mais écrire dans un style aussi fluide, avec une telle aisance, Christophe BOLTANSKI m'a littéralement captivée, émerveillée, envoûtée.
Le narrateur parvient à nous faire partager intensément toutes ces tranches de vie avec en pointillé cette quête identitaire si complexe chez ces juifs originaires d'Odessa qui veulent tellement être français comme tous les juifs ashkénazes mais que cette France de Vichy va rejeter, trahir, humilier, anéantir, A défaut de partir pour les camps, il y aura "La Cache". Et puis cette histoire d'amour entre les grands-parents est tellement merveilleuse. Ce livre est pour moi une pépite!

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Un petit bijou émanant des bienfaisantes vagues de chaleur tribale.
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le dernier Femina. J'ai plutôt apprécié les quelques livres primés lus auparavant donc je n'ai pas vraiment hésité avant de l'acheter. Je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé mais je suis un peu déçue d'être restée sur ma faim.

Une famille, celle de l'auteur dont il parle assez librement en utilisant un procédé original. L'histoire est dévoilée au fur et à mesure qu'on se déplace dans l'appartement de la rue de Grenelle où chaque pièce évoque des souvenirs, un tel ou un autre membre de cette famille, un peu excentrique et pas tout à fait comme les autres En passant par la cuisine avec un frigo souvent vide, la salle de bains peu utilisée, la fameuse cache où son grand-père a passé vingt mois et qui lui a probablement sauvé la vie, la chambre - camping sans oublier la voiture - un véritable lieu de vie, l'auteur nous confie l'histoire des siens. Les grands-parents au centre, puis Niania, l'arrière grand-mère, les oncles, la tante mais très peu de choses sur les parents.

Pas d'ordre chronologique, ce qui est un peu déstabilisant au début car on se sent parfois perdu dans ce flot de souvenirs. Quelques passages intéressants, parfois drôles mais aussi quelques longueurs. Une sorte de saga familiale dont la lecture était assez agréable mais qui ne m'a pas vraiment passionnée ni touchée.


Lien : http://edytalectures.blogspo..
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La Cache, c'est la belle surprise très littéraire de ce noël glissé par les mains de ma fille.A t-elle trouvé entre la rue de Grenelle et sa maison familiale " la Créole " des similitudes ? Voici une oeuvre originale celle d'un architecte d'intérieur qui mieux que la maison France 5 nous a fait visiter l'immeuble de la cour au grenier.
Immeuble, non un Royaume ou un Marquisat, un no man's land, un état qui a une langue, des conventions, ses passeports, ici les gens ont 2 voir 3 nationalités, les identités ne sont pas sures mais l'appartenance de chacun au marquisat est constitutionnelle imprescriptible la française est plus par commodité, déchéance ou pas, plus par assurance vie.
Mais alors pourquoi ne pas en faire un book de déco ?
Non, car c'est l'histoire étonnante d'une femme, une bretonne (ça c'est une certitude) adoptée par une femme seule, car ses parents des aristocrates désargentés ne peuvent plus assumer son éducation.
Christophe Boltanski nous offre un magnifique portrait d'une femme qui deviendra l'épouse d'un médecin puis Mère-Grand jusqu'à son décès dans les dernières lignes du livre (chapitre Grenier).

La rue de Grenelle commence par la cour et sa voiture une Fiat 500 lusso , une coque un blindage plutôt, qui franchi la frontière avec ses 5 occupants (et ses 3 enfants bien calés à l'arrière), bien protégée par cette mère, mère protectrice, une sortie comme une naissance affronter Paris, l'étranger, le Monde .
Abandons, polio, mariage, divorce, guerre, libération, chaque événement est une épreuve, chaque pas doit protéger, chaque démarche administrative est un calvaire et au final un pari, les bons papiers les faux papiers, tout est passé au crible de ce qui est bon pour l'Immeuble de la rue de Grenelle.
Iront-ils à l'école pas sur, Mère Grand est infirme depuis sa polio mais tout est fait pour que son entourage la considère totalement valide, un enfant à la maison une aubaine 3 ou plus c'est parfait des cours s'organisent elle qui n'a pas pu finir sa médecine sera prof ET bientôt romancière.

Les trajets en voiture sont longs comme les attentes et pas question de sortir en plein Paris alors elle écrit des bouts, puis des nouvelles, puis des romans, tous aussi déjantés, puisés à l'aune de sa vie faite de retournements, de dangers, de chimères …

Jusqu'au bout elle restera fidèle à ce mari médecin Juif Ukrainien d'Odessa grand ponte puis déchu par ses ainés, ce Boltanski dont l'identité restera comme un mystère qu'il faudra cacher ou maquiller, car l'étoile jaune apparaitra un jour de 1941, elle restera année après année tout en haut du sapin de noël, la même étoile brillera comme un ultime hommage à ses racines, au sapin de sa famille, à son Immeuble de la rue de Grenelle.

Un roman d'une très grande force, qui restera comme un étoile brillante de cette année 2015.


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La cache n'est pas un livre d'abord facile et j'imagine que cela est un choix délibéré de la part de l'auteur. Il nous parle de sa famille "les Bolt", dont le plasticien Christian Boltanski, oncle de l'auteur, est l'une des figures célèbres, et de la maison Rue-de-Grenelle, à Paris, où cette famille a vécu. Si l'auteur nous donne, au début de chaque nouveau chapitre, le plan des pièces de l'appartement dont il sera question, il se garde bien en revanche de nous donner un arbre généalogique de la famille, ce qui aurait pourtant facilité la lecture des cent premières pages du roman mais qui, probablement, aurait privé le lecteur du mérite de la ténacité et de la découverte. Par ailleurs, on comprendra au fil de la lecture que cette famille est construite sur le secret, la dissimulation, la paranoïa même, et fournir un arbre généalogique qui pourrait tomber dans des mains mal intentionnées n'est pas du tout le genre de la maison.

Le lecteur patient apprendra donc au fil des pages à connaître les membres de cette famille, à commencer par cet ancêtre, l'arrière-grand-père de l'auteur, qui, au début du XXe siècle, a fui les pogroms d'Odessa pour s'installer à Paris. Les aller-retours que fait l'auteur entre les différentes époques (y compris le temps présent) sont au début plutôt déconcertants mais au final, ce sont eux qui donnent à cette anti-chronique tout son sel, montrant comment les vies des uns se reflètent dans celle des autres. Renâclant dans les premiers chapitres, j'ai peu à peu été happé par cette histoire et ce lieu, et j'ai fini par adorer et le style et la matière du livre. La comparaison avec le roman de Daniel Mendelsohn "Les disparus" m'était venue assez vite au détriment du livre de Boltanski mais lorsque, vers la fin du livre, l'auteur parle lui-même de ce livre, je n'avais plus la même impression. Les deux livres ne peuvent pas être mis en compétition car les projets sont bien différents; toutefois, en terme de force, d'émotion, d'inventivité dans la forme, le livre de Boltanski fait très bonne figure à côté du chef d’œuvre de Daniel Mendelsohn. A travers le récit de sa famille, Christophe Boltanski, comme Daniel Mendelsohn, a réussi à utiliser le particulier pour atteindre l'universel.
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Avec une écriture fluide,Christophe BOLTANSKI, grand reporter, nous raconte, avec amour, l'histoire de sa famille Russe , juive, qui avait fui Odessa au début du 20e siècle pour émigrer en France….
L'histoire de cette famille soudée qui vécut dans le provisoire perpétuel de leur univers refermé sur lui-même se développe particulièrement autour de son grand père, médecin pointé du doigt par l'antisémitisme virulent qui régnait avant,pendant et après la première guerre mondiale et de sa grand-mère handicapée, deux personnages dignes,courageux et secrets…
Un livre profond et poignant.
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Il s'agit ici d'une chronique familiale douce et amère, celle des Boltanski, famille bousculée par L Histoire et la nature, hors normes, atypique, anti conformiste, à l'identité incertaine.
Des personnages touchants, qui traversent une période sans pitié pour les faibles.
Un style fluide avec le sens de la formule. J'ai beaucoup aimé.
A lire absolument.
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Histoire de famille juive pendant la dernière guerre mondiale. Histoire aussi des mensonges ou secrets nécessaires à la survie de ceux qui durent se cacher jusqu'à la libération pour sauver leur peau. Histoire aussi d'une mère ecorchée vive toute puissante menant sa tribu à la baguette malgré et peut être aussi à cause de son handicap. Histoire de secrets de famille. Mais aussi dé joie de vivre, de liberté au sein cette famille atypique.
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