Citations sur Camille et Paul (22)
(Les doigts) Ils laissent leurs traces non seulement dans les esquisses ou lors du travail en cours mais dans les oeuvres les plus achevées. Il suffit de regarder de près n’importe qu’elle sculpture de Camille : l’empreinte des doigts y est toujours visible. Avant même la signature, avant toute impression d’ensemble, et bien qu’elle aime polir et lisser ses terres, ce sont eux que l’on voit d’abord, ces doigts agiles et sensuels, ces doigts puissants de Camille.
Pour modeler la terre, tous les doigts sont requis, surtout le pouce droit, mais le reste de la main travaille aussi. La paume lisse ou aplatit ; quant au coussinet, à la naissance du poignet, il permet de tasser, de compacter. Et puis, les ongles que les sculpteurs gardent aussi effilés que ceux des guitaristes ; ils tracent le sillon à la commissure des lèvres ou la ride au coin des paupières. Il y a, bien sûr, d’autres outils ; l’ébauchoir, principalement, mais aussi les mirettes, le fil d’acier, les râpes et l’os de mouton... Camille y aura recours pour compléter le travail des mains, qui restent l’outil premier, l’outil essentiel.
Après les mains de l’artiste, le corps.
Sculpter suppose de la force et une bonne santé. Les muscles des bras, dont Valéry admirait la beauté chez Camille, sont révélateurs. Pas de bras mous chez les sculpteurs.
Tel un amant délaissé, il souffre de l’abandon de Camille, il souffre de son silence. Paul est jaloux de Rodin.
D’où sa violence, l’excès sans nuance de son ressentiment.
Car l’éloignement de Camille, dès cette année 1883, s’apparente bel et bien à une trahison./.../
L’oeuvre a enchâssé le mot (trahison), ainsi que le drame personnel qu’il recouvre. Tous les drames claudéliens seront des histoires de trahison. L’amour, quel qu’il soit, ne sera qu’un mirage, «la promesse qui ne peut pas être tenue». Interdit ou coupable, jamais réciproque en tous cas, il sera invariablement voué à l’échec ou au malheur./.../
Camille la dure. L’infidèle. La sans-coeur. Elle restera le grand modèle de ces femmes, qui, dans l’oeuvre de son frère, se montrent capables d’abandonner leur propre enfant./.../
Dans leur yeux d’encre passe l’éclat fascinant et un peu effrayant de ceux de Camille.
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Claudel à propos de Rodin.
Son oeuvre ? un «carnaval de croupions» : «Il ne voit dans la nature que ce qu’elle a de plus gros»
Et le symbole de l’oeuvre ? «Un pauvre diable de derrière tout bête avec ses deux grosses joues pathétiques qui essaye de s’arracher du limon, et se travaille, et se trémousse, et demande des ailes !»
Le directeur de l'asile notifie à Paul Claudel que sa soeur ne laisse "aucun effet personnel à la date de son décès ni aucun papier de valeur, même à titre de souvenir " : ni une chaîne, ni une médaille, ni une boucle d'oreille, ni un anneau ou un livre, ni même un petit cahier servant de journal intime. Camille ne possédait absolument rien.
Dans l'atmosphère, non seulement empuantie mais sonore, des cris retentissent sans aucun répit. Cris d'effroi, de fureur. Cris obscènes ou idiots. Cris grinçants ou suppliants. Cris de bêtes. Elle s'en plaint à sa mère: "Je ne peux plus supporter les cris de toutes ces pauvres créatures, cela me tourne le coeur."
p.94″ Que serait cette main du poète sans la vision qui l’habite ? Que serait-elle Afficher l'image d'origine surtout sans la sensibilité qui lui donne sa couleur et son relief ? »…Modeler, pétrir,lisser,polir les mots, les extraire du langage brut comme d’une motte de glaise pour leur donner un sens, une lumière, comment ne pas le comparer, cet art, à celui du sculpteur qui lutte lui aussi avec l’informe? »
Les années passant et la place manquant au cimetière de Montfavet pour les malheureux aliénés, son corps est transféré ultérieurement dans la fosse commune.
L'oubli le plus complet attend Camille: son nom ne figure sur aucune sépulture de ce cimetière de campagne, où le mistral quand il se met à souffler évoque les vents hurleurs de son pays natal.
Être poète c'est ne ressembler à personne... En laissant parler la voix de l'ombre, qu'il ne contrôle pas d'abord, cet élan furieux, torrentueux, où se révèle l'âme, quel dieu, quel démon le commande ?
Le vrai rôle de Rodin est moins dans l'apprentissage que dans la révélation : il a révélé Camille Claudel à elle-même, comme artiste, comme femme.
Il est certain que Camille a trouvé en Rodin l'homme qu'elle cherchait. Un homme qui soit à la fois un père, un ami, un amant et, pire que tout aux yeux de Paul, évidemment aussi un frère -sans doute incestueux.
les sujets de cette écrivaine m'intéressent mais je suis toujours gênée par son écriture, je ne peux pas lire plus d'un paragraphe...