Don Octavio ne garda de cette séparation d'autre saveur que celle de la sève et du songe.
Timidement, il lui demanda son prénom. Elle épondit avec une voix puissante, comme si elle s’adressait à tout un peuple : ‘Yo me llamo Venezuela’.
Au contact de la lumière, ses mains se projetaient sur les murs, en répétant ses gestes. À le voir, l’homme descendait sans doute d’un animal dessiné dans une caverne. Une humanité y tenait toute entière. Octavio surprenait enfin la naissance d’une littérature qu’il avait tant cherchée dans les étagères de l’église et dans les enseignements de Venezuela. Ce grand livre avait été fermé pendant mille ans. Comme la pierre, il avait résisté au temps. La littérature était donc une pierre.
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Comme les monstres ou les génies, Octavio devait guider ce monde sans descendance. Sa robustesse, son élan pour la vie, il l'héritait directement de cette masse de liberté qu'il ne pouvait transmettre à personne. Il faisait partie de ces personnes qui, comme les arbres, ne peuvent que mourir debout.
Ce n'est pas de vivre dans la misère qui rend misérable, mais de ne pas pouvoir la décrire.
Dans le port de La Guaira, le 20 août 1908, un bateau en provenance de La Trinidad jeta l'ancre sur les côtes vénézuéliennes sans soupçonner qu'il y jetait aussi une peste qui devait mettre un demi-siècle à quitter le pays.
Ce fut une époque où le vent courait en longues risées chargées de papillons. Il y avait là les débuts des civilisations où l’on passe de la communauté à la bourgade, de la bourgade au village, et du village à la ville. Tout naissait comme un bouton de progrès.
Je vous parle ici de cambrioler une maison comme on écrit un poème. Cela s’ordonne avec finesse, dans un souffle d’inspiration, à la frontière délicate entre un mal nécessaire et un mot nécessaire.
Il faisait partie de ces hommes qui, comme les arbres, ne peuvent que mourir debout.
À la lisière d’un petit terrain, ils élevaient alors un moulin, labouraient un potager près d’une gorge d’eau et s’abandonnaient sans résistance, sous un ciel dont la rondeur faisait rouler le soleil, à un temps qui ne connaissait pas de saisons.