Because of you

– Lequel ? « Obéir » ? Tu ne veux pas que je t’obéisse ?
Je le caresse, et je ne parviens plus à masquer mon sourire satisfait quand je sens son membre durcir sous mes doigts.
C’est une chose que j’aime chez lui. Il réagit toujours à mon contact ; il peut jouer de sarcasme ou mimer l’indifférence, je sais pertinemment qu’il éprouve des difficultés à me résister. Ça peut paraître prétentieux, ça l’est sûrement, mais je parviens à lui faire perdre pied. Je ne comprends toujours pas quel sort on lui a jeté, mais ma présence le réveille. Et, parfois, j’en abuse un peu.
Ses yeux prennent une nouvelle teinte, et je suis parfaitement consciente qu’il ne tiendra pas longtemps. Je décide de porter le coup de grâce :
– L’étape suivante, c’est moi, à genoux devant toi, c’est ça ?
Il déglutit encore, et attrape bientôt ma main.
– OK. C’est bon. Tu as gagné.
– Des images te traversent l’esprit ?
– Pire. Recule ou je te fais l’amour contre le mur d’en face.
Ravie d’avoir remporté la partie, je récupère le casque pour le lui tendre. Il me l’enfile avec une facilité énervante, mais je conserve ma bonne humeur, puisqu’il va devoir conduire avec une bosse entre les jambes. Je suis un monstre.

– Tu as un dernier mot à dire, avant la fin officielle de ta vie ? ajoute-t-elle en souriant.
– La ferme, Syd !
– Ton langage, Alli !
– Pardon, patron. Je reprends : ta gueule, Syd !

– Tu aurais dû prendre un couteau, tu aurais eu l’air plus effrayante.
Il accompagne sa suggestion inattendue d’un regard malicieux.
– Et, sans vouloir te vexer, ta position laisse franchement à désirer. Tu donnes juste l’impression d’avoir peur de moi, là.
Mon poing se desserre lentement, et le bras qui tient la fourchette se ramollit. Un rire rauque secoue sa cage thoracique.
Parfait. Le voleur se fout de moi… si tant est qu’il en soit un.
En l’étudiant, je remarque qu’il ne porte ni cagoule ni tenue austère. Au contraire, un simple jean et un T-shirt à manches longues l’habillent. Le tout en gris, comme les murs du bureau.
Je redresse le dos, un peu perdue.
– Ne baisse pas ta garde, me conseille-t-il. J’ai une petite cuillère dans la poche arrière de mon pantalon, et je compte m’en servir.
– Qui êtes-vous ? demandé-je, sur la défensive.
– Un mafieux spécialisé dans le vol de maquettes architecturales. Je suis venu ici pour ça.
Il en désigne une du menton.
– Mais maintenant que ta fourchette vient de contrecarrer mes plans, poursuit-il, je vais devoir te rayer de la surface de cette planète. Avec ma petite cuillère. Attends-toi à d’atroces souffrances.

Les sentiments nous tombent dessus sans prévenir. Parfois, ils s'apparentent à une explosion violente et immédiate, un déferlement de lave d'une puissance démente. A d'autres moments, ils prennent le temps de grandir, de s'ancrer en nous. Ils s'enracinent lentement, se nourrissant du meilleur pour se développer.

Darrell fait partie de l’équipe des dessinateurs du cabinet, et je crois que son côté artistique déteint sur son caractère ; il est à moitié timbré, mais génial. Je me rappelle vaguement la fois où on a entamé la soirée dans un pub de Lower East Side et où je me suis réveillé le lendemain matin dans les rues d’Atlantic City. Je n’ai jamais compris comment nous avions effectué le trajet entre New York et le New Jersey en étant complètement torchés, mais ça donne une petite idée de ce dont Darrell est capable. 

– Je m’appelle Allison.
Je suis choquée, je l’avoue, mais je ne veux pas le lui montrer. Il répond d’un simple hochement de tête.
– C’est sympa, concède-t-il. Mais Tweety te va mieux.
– Je vais garder Allison.
– On fait tous des erreurs.