AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,6

sur 24 notes
5
5 avis
4
6 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le roman commence sur un cri de rage. Deux pages de colère, de ressentiment, les confidences d'une femme qui avait renoncé à l'écriture et reprendra la plume pour dire son mal-être. Ces phrases dures se construisent dans un futur proche. L'expiation suivra.

On revient en arrière, en 2018 alors qu'une fébrilité malsaine semble agiter la population du Bas Pays : les queues se forment aux stations d'essence, le climat est hautement délétère. Les tâches se poursuivent cependant, et la narratrice participe à des sélections de candidats sur dossier, alors que la grogne s'amplifie avec l'arrivée de migrants indésirables. Les propos ignorants et malveillants l'irritent mais son attention est attirée par une femme vite qualifiée de folle, qui obsédée par un métronome, illustre de propos bien sentis les surfaces publiques qui s'offrent à elle.

C'est en 2033 que se pursuit le récit. On a rejoint le Haut Pays, dans un décor désolé, alors que tout semble sous haute surveillance : le lieu est un passage reconnu pour ceux qui voudraient franchir la frontière.


Peu de personnages, mais des portraits taillés à la serpe autour de cette narratrice écorchée, en équilibre entre deux mondes contigus, celui d'avant en sursis sur ses contradictions et celui d'après où ce qui subsiste est ce que l'on redoutait le plus, un monde inhumain campé sur les droits qu'il s'arroge.

L'écriture, celle là même à laquelle la narratrice dit avoir renoncé, est magnifique, très expressive et porte la colère et la désespérance avec noblesse et légitimité.
Un récit comme une prophétie, qui déroule les possibles inscrits dans les incidents de nos vies.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          521
L'écriture qui peut transformer le monde

D'une plume soignée, Lucile Bordes raconte l'exil d'une femme face à un monde qui part à vau-l'eau. Félicité recherche le silence et la solitude. Jusqu'au jour où elle trouve un carnet et un stylo.

En passant du Bas-Pays au Haut-Pays, Félicité a changé de vie. Un choix dicté par un constat douloureux, le monde va mal. En mettant des oeillères, elle pourrait se dire qu'elle a un mari, un poste d'enseignante, qu'elle vit au bord de la mer, qu'il y a bien pire comme situation. Mais dès qu'elle pose un pied dehors et doit affronter un univers anxiogène. Si elle passe près d'une demi-heure à faire le plein de sa voiture, c'est en raison d'un mouvement social qui bloque les raffineries. À la télévision, elle a vu cette image de l'exploitant d'huile de palme qui a abattu un orang-outang. La folle qui vit dans sa voiture laisse à la peinture blanche des mots qui envahissent tout, comme ce bienvenue en grandes lettres devant le centre pour mineurs isolés qui pourrait bientôt accueillir des migrants dont personne ne veut. Non décidément, le monde ne va pas bien. Par inadvertance, elle a marché sur une lucane et la carapace écrasée de l'insecte la hante. Il se pourrait même que ce banal incident ait entrainé sa décision de changer de vie. Une nouvelle version du battement d'aile d'un papillon en quelque sorte.
Elle décide donc de «fuir ses semblables, de se mettre à l'écart du monde».
Quinze ans plus tard, là-haut, elle se souvient.
«J'avais alors quarante ans, un mari, un travail, une maison. Et quoi? Qu'est-ce que ça dit de moi? Je n'avais pas de plaisir. Tout me pesait.
L'écriture même était devenue un fardeau. J'aurais aimé qu'elle soit magique, qu'elle ait le pouvoir de modifier les choses, de leur donner du sens, mais elle n'était qu'un regard, rien de plus qu'une façon d'être. Je ne supportais plus son ambivalence. Qu'elle soit à la fois la preuve irréfutable de mon humanité et le signe flagrant de mon anachronisme.» Désormais, le silence et la solitude seraient ses compagnons. Elle allait se délester du monde, de l'écriture.
Lucile Bordes découpe son roman en trois parties. Après le constat qu'elle situe en 2018, elle raconte la nouvelle vie de Félicité en 2033, avant de revenir en 2030, au moment où une rencontre va bousculer ses plans, faire vaciller ses certitudes. D'une plume délicate, elle va retracer cette quête, ce besoin vital de laisser une trace. Sans aucune certitude, mais avec l'intuition que les écrits restent. Qu'ils peuvent changer le monde. La force de la création serait-elle la réponse à la question du titre?


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          320

Le défi de mêler les questions sur l'écriture sur les migrations n'était pas aisé.

"J'étais à l'étroit, et enragée.
L'actualité, son vacarme, me bouffait."

En 2018 aux Pays-Bas, une femme, écrivain et professeur d'université s'interroge, la vacuité de son existence et l'absurdité du monde saturent son esprit. L'arrivée dans son quartier de bord de mer d'une "folle" qui écrit sur tous les supports possibles, sols murs panneaux en lettres blanches des mots dont elle seule saisit le sens cristallise ses réflexions. le mot "bienvenue" par terre juste devant l'entrée du nouveau centre d'accueil de migrants, mineurs isolés plus particulièrement.

Si le lecteur peut se sentir un peu dérouté à la lecture de la première partie, c'est pour mieux être saisi par celles qui suivent.

Que faire de la beauté ?

S'en saisir, en faire une arme, une solution, un chemin.
Les réponses ne seront pas données, à peine esquissées, elles s'offrent au lecteur sous forme ouverte, libre. La lecture débute comme une simple promenade et se mue en véritable voyage.

On lit et entend souvent le qualificatif "nécessaire" pour décrire un roman, surtout récent. Est-ce que cela lui donne plus d'attrait ?

Qu'est ce qu'on demande à un roman quand on l'ouvre ? Aucun lecteur n'a la même réponse.

J'ai ouvert celui-ci sans attente. Et comme à la sortie du cinéma où l'on s'est retrouvé principalement pour passer le temps je peux affirmer que ce temps-là n'a pas été perdu, ni vain, car je sors l'esprit bouillonnant, de questions à (ré)ouvrir, en attente de débat.
Questionner le monde de manière profonde, c'est peut-être une des réponses ?
Commenter  J’apprécie          70

Après quinze années d'abstinence dans l'écriture, Félicité se remet à la tâche pour offrir à un certain Eddie une longue litanie et un cri de rage.
Avec un titre interrogatif et un prologue énigmatique, le roman de Lucile Bordes a excité mon appétit de lecture. Il s'ouvre en 2018. Félicité vit alors au Bas-Pays, là où les hommes, ceux « qui bute(nt) les orangs-outangs », sévissent.
Mais, comme elle fait partie de cette espèce qui détruit tout, elle se sent complice des actes commis au nom d'une soi-disant supériorité sur la nature. le poids de la culpabilité la pousse à quitter ses semblables pour rejoindre le Haut-Pays, sorte de réserve préservée où nous la retrouvons, en pleine communion avec son environnement, vingt-cinq ans plus
tard. Là où elle a échappé à une société proche de celle décrite par George Orwell il y a plus de soixante-dix ans.
Par la voix de Félicité, Lucile Bordes nous livre une réflexion salutaire sur l'utilité de l'écriture, et de l'art en général, à l'heure des urgences climatique, migratoire et sociale (rappelons que Théophile Gautier écrivait : « Tout ce qui est utile est laid »). le roman engagé et dérangeant a-t-il encore un avenir dans une société prise d'une frénésie d'hyperactivité ? A contrario, la « littérature-brushing », « gentille, lisse et polie » aurait de beaux jours devant elle. Comme un pansement sur nos névroses...
Si j'ai apprécié la belle écriture, entre gouaille et lyrisme, de l'autrice ainsi que l'intelligence de son constat sur l'éloignement de l'homme de la nature comme s'il y était étranger, alors qu'il lui appartient au même titre que les oiseaux, les arbres et les pierres, j'avoue que j'ai été parfois un peu perdue et un peu perplexe face à un afflux de redondances. Mais c'est un peu la loi du genre, celui de la fiction engagée.
Ce roman fait partie de la sélection 2022 du Prix des lecteurs de l'Armitière.

EXTRAITS
La folle écrit pour les hommes du futur des histoires de maintenant.
Tout est data depuis longtemps.
J'ai laissé au Bas-Pays le travail de la beauté à sauver chaque jour. Ici elle est indiscutable.
Lien : http://papivore.net/litterat..
Commenter  J’apprécie          30

Alors que c'est la guérilla urbaine, Félicité voit s'installer près de chez elle un camp pour migrants et mineurs isolés. Cette installation va créer du remue ménage, rappelant la stupidité humaine. La Folle est celle qui ose mettre des mots sur les murs, cette nouvelle voisine bien mystérieuse. Elle est tant mystérieuse et hors norme qu'elle suscite des agacements des voisins, une autre preuve de l'intolérance humaine. C'est la seule qui ose écrire « bienvenue » devant le grillage du camp pour migrants…

Félicité quitte alors son bord de mer, son mari et surtout l'écriture, celle qui pourtant la rendait si vivante mais aussi si fébrile face à ses souvenirs.

2033, nous retrouvons Félicité quasi sevrée de sa drogue qu'est l'écriture. Alors qu'un soldat va sonner à sa porte, comme un coup d'espoir porté au coeur, les doigts fourmillent et reprennent le chemin de l'écriture. L'écriture qui permet de graver dans le marbre nos instants présents. Et si toute la beauté côtoyée au quotidien n'avait pour finalité qu'être posée sur papier pour s'en souvenir encore et toujours ? L'écriture est le dénominateur commun entre la beauté du présent et la nécessité de se souvenir.

Un roman d'abord déroutant sur la première partie puis qui se clarifie petit à petit. Les questions sont sous entendues, pas toutes répondues, nous propulsant à la frontière de nos propres questionnements.
Commenter  J’apprécie          20
« Je me souviens de ma détresse, et du ciel jaune sur la mer.
Que faire de la beauté, j'ai pensé à ce moment là. La lumière était belle à trembler derrière l'homme éperdu. Comment faire pour qu'elle ne nous porte pas le coup de grâce, ne nous rende pas fous? »
En 2018, Félicité âgée de 40 ans, vit au bord de la mer, elle est professeur à l'université, romancière, mariée et sans enfant.
Un jour alors qu'elle ne trouve plus de sens à sa vie, que le monde devient incohérent, elle décide de cesser d'écrire et partir sans laisser de trace vers le pays-haut, la montagne, un retour à la source de la beauté.
2033 alors qu'elle vit recluse dans une maison en bois au milieu de la nature brute et dure, dans un village proche de la frontière, un jeune policier rentre chez elle pour un contrôle à la recherche de migrants, muni d'un carnet et d'un stylo. La société a évolué vers la privation de nombres de libertés et écrire est devenu interdit. Félicité éprouve alors le besoin de coucher sur le papier le souvenir d'une rencontre qui a introduit le sentiment amoureux et le doute sur le chemin de sa quête. Et si écrire était renaître « Il faudrait écrire à nouveau, car le monde ne tient pas tout seul. C'est l'écriture qui le rend habitable. »
La poésie d'une écriture belle et profonde évoque le pouvoir des mots dans une société devenue autocratique.
Un roman dystopique à la fois poétique et politique qui interroge sur ce que notre monde peut devenir et sur le rôle de la littérature dans la société.
J'ai découvert une autrice du sud de la France, du bas-pays dont la belle plume m'a emportée sur les flancs de sa montagne.
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (61) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5272 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}