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Critique de 5Arabella


Petrus Borel, surnommé le Lycanthrope, n'occupe qu'une place secondaire dans les histoires de la littérature du XIXe siècle. Pourtant il a été admiré par Gautier, de Nerval, Baudelaire, Flaubert, Verlaine et les surréalistes, ce qui lui permet de continuer à être cité, voire parfois lu et étudié, même si souvent avec l'étiquette de « romantique mineur ».

Champavert ou Contes immoraux est un recueil de 7 récits, publiés en 1833. La notice censée présenter l'oeuvre brouille les cartes : le livre aurait été écrit par le Champavert du titre, dont on nous fait une présentation. La forte sympathie pour l'auteur de papier, ainsi que certains éléments de cette préface laissent penser que Borel se créer une sorte de double de papier, qui n'est pas sans évoquer la démarche de la création des hétéronymes de Pessoa. Par ailleurs Champavert est aussi le personnage d'un des récits du recueil, introduisant une confusion encore plus grande entre l'auteur (ou les auteurs) et les personnages. Une forme de distanciation aussi : qu'est ce que le lecteur doit croire en fin de compte dans les récits, dans leur narration, dans les personnages ? Que doit-il plutôt déchiffrer, décrypter ? Est-ce juste une pose de la part de Borel, ou une interrogation sur les identités, sur la frontière entre la fiction et la vie de l'auteur ? D'autant plus que les romantiques mêlaient fortement la vie de l'auteur et l'oeuvre. Chaque lecteur peut y répondre à sa manière.

Une autre provocation est le choix du titre Contes immoraux. La morale était une question sérieuse et centrale au XIXe : parler de Contes immoraux est forcément provocateur et éveille une attente de la part du lecteur d'une lecture scandaleuse, croustillante. Et Borel tient en partie les promesses du titre : dès la première nouvelle, nous assistons à quelque chose de proche d'un viol, à un infanticide, à une exécution. Mais ce que l'auteur met en cause, ce seront bien plus les règles morales en vigueur, les coupables respectables car puissants, que personnes ne songe à condamner. L'institution judiciaire se révèle au service d'un ordre social et non pas à celui de la justice. L'immoralité est donc inhérente au fonctionnement social, il s'agit de justifier par un discours qui « stigmatise le vice », une certaine vision du monde, qui profite à certains, et leur permet la satisfaction de leurs pulsions les plus condamnables et rejette dans l'ombre, dans la réprobation morale à priori, de ceux qui ne détiennent pas le pouvoir.

C'est plutôt bien écrit, pas mal construit, plaisant à lire, même si un peu démonstratif et prévisible. Mais à découvrir assurément.
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