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Citations sur Sonnets pour une fin de siècle (9)


Tous les enfants, vous le savez, sont des navires
qu'un proverbe pareil aux brises les plus douces
conduit, syllabe après syllabe, au continent
où les pingouins dorés racontent des poèmes.

Tous les enfants, vous le savez, sont des bouleaux
qui dans la nuit, en demandant pardon, écartent
leurs branches, leur écorce, et vont, jusqu'au vertige
danser sur la grand-place, au milieu des poulains.

Tous les enfants, vous le savez, sont des comètes
venues nous rendre hommage au nom d'un autre azur,
d'une autre vérité, d'une autre fable; et nous,

adultes par défaut, saurons-nous les convaincre
de s'attarder ici, le temps d'un bref bonheur,
avant de repartir chez les étoiles folles ?
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Déchéance

Et maintenant, il faut soigner sa déchéance
comme une chatte aveugle à qui, trois fois par jour,
on porte une souris. L'effort serait fatal
à l'âme prisonnière entre ses pots de chambre

et ses terreurs. La chair se transforme en boudin,
et le regard a des secousses de wagons
dans une ville où ne vont plus les voyageurs.
Un souvenir surgit, pour laisser sur la peau

un furoncle tout jaune. Un livre perd ses pages :
on y fut l'amoureux, le soupirant, le prince
à jamais éconduit. La pensée fait sous elle

et la musique incontinente a des glouglous,
pareille à cette urine entre deux lits brûlés.
On n'a plus les moyens de s'offrir un squelette.
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Lettre à qui ?

Chère amie, ce matin le lac a votre peau,
et la montagne votre chair. L'absence ajoute
comme un poumon à nos tendresses. La cigogne
ressemble, en repliant une aile, à votre bras

lorsqu'il étouffe un peu d'azur...
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.
INTERETS ET PROFITS (Alain Bosquet)

Si vous avez un cœur, c'est simple: faites-lui
de la publicité, dans les hebdomadaires
et les journaux. Si vous avez, fût-il très vague,
avec un petit bruit de branche qui s'émeut

là-haut sur le tilleul, un semblant de beau rêve,
avertissez les mass média. Si vous avez
dans le coin du poumon un soupir qui s'agite,
ne le gardez jamais pour vous: d'autres messieurs

voudront connaître un homme aussi sensible et fin.
S'il vous vient une joie, vendez-en la recette:
le siècle est à l'affût de tous les produits neufs.

Si vous avez une âme et qu'elle est présentable,
nous vous recommandons un comité d'experts
qui vous dira comment on en tire profit.
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Le poète comme meuble

Le poète appartient aux objets ménagers ;
on le trouve parmi les sécateurs, les pneus,
les robinets, les clous : troisième étage à gauche,
dans les magasins, où il est disponible

à des prix modérés. Tous les chefs de rayon
en connaissent l'emploi. Une brochure bleue
vante ses qualités. Il lui faut peu de place :
un mètre cube, au maximum, dans la cuisine.

Le modèle courant consomme du pain dur
avec un quart de vin. Par un jour de souffrance
ou de malheur, il peut rendre de grands services

car sa spécialité, c'est un air de printemps
irrésistible et doux, qu'il répand sur les murs,
la machine à laver, le réchaud, la poubelle.
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Moi je n'existe pas : c'est le peuple qui compte, et l'usine trop froide, et le pain trop salé, le métro dans le crâne et la lune moqueuse comme une pomme jaune où dort la
pourriture.

Moi je n'existe pas : je traduis la terreur

de la main qui se tend sans trouver d'autre main,

de l'oeil qui voudrait voir un œil venir à lui,

du mot perdu parce qu'un mot soudain lui manque.

Moi je n'existe pas : j'évoque la justice, le platane amical, la rosée qui est tendre, le travail devenant une fête au soleil.

Moi je n'existe pas : si mon absence émeut quelques-uns d'entre vous, c'est que je vais revivre, outil de chair dont vous ferez un bon usage.
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.
Le poème comestible

L'enfant attrape un papillon: cela se mange.
Et le requin, l'enfant: cela se mange aussi.
Et Dieu attrape le requin, pour le manger,
à moins que ce ne soit - qui sait ? - pour le principe

Mais Dieu, répondrez-vous, qui donc le mangera,
pour que la chaîne continue, et le poète
n'arrête pas son beau poème en plein milieu ?
Le poème est prudent: il rebrousse chemin

car Dieu a peur de ce poisson aux dents trop longues,
et le requin a peur de l'enfant â la flèche;
et l'enfant, de la fleur vénéneuse qui veut

passer pour un beau papillon, chacun restant
sur sa faim - c'est fatal - surtout le sot lecteur
qui ne sait pas que les poèmes sont mangeables.
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Portrait d’un jeune aristocrate

En mil neuf cent, par là, un grand-duc de Russie
venait dans cet hôtel pour aérer son âme,
pleine d'ennui, de force et de fracas. Sa veuve
est enterrée sous le velours d'un sycomore.

Son petit-fils procure - il suffit d'un pourboire –
aux vieux Américains des Anglaises très plates
ou des Suissesses bien en chair. Serguéï, Ivan,
Micha: il a tant de prénoms que l'uniforme

de l'Impérial Palace est son unique orgueil.
Son cher ami, le moniteur, Paul, Jean ou Jules –
car c'est selon - apprend aux dames fortunées

la nage sur le dos, mais leur préfère au lit
quelque boniche. Hélas ! la lune est démocrate,
et l'azur se commet avec n'importe qui.
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Je pourrais inviter dans mon indifférence,
ce palais de cristal infesté de vipères,
ceux d'entre vous qui n'ont pas peur de se dissoudre
élan après élan dans les miroirs sceptiques.

Je vous livre plutôt un proverbe discret,
une syllabe nue, une voyelle en feu,
à qui vous donnerez un jour un sens précis.
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