LA NATURE SOURIT
Pour le professeur Albert Robin.
Colombes, prenez-moi, portez-moi sur vos ailes.
Faites-moi place au chêne où vous vous ébattez.
Laissez-moi partager sur les beaux rameaux frêles
Vosjeux pleins de langueurs, d'ardeurs, de voluptés.
Sur vos plumes le vent, tel un luth qui soupire,
Passe et creuse un sillon dans leur duvet léger.
Il fait pencher parfois comme un mât de navire
Les branches, puis au ras du lac vient voltiger.
La Nature n'est plus qu'eurythmie et qu'arome.
Le ciel incendié brille moins que les fleurs.
On voit fumer au loin les humbles toits de chaume
Et l'horizon paraît baigné d'aimables pleurs.
La terre est une amphore où tout le ciel vient boire.
Les bouleaux dans le ru baignent leurs fûts d'argent.
Les prés, blancs de rosée, en leur robe de moire
Recueillent des crocus sur le coteau changeant.
Aux pins sombres, là-bas, s'enguirlandent des roses
Dont le cœur est percé par les flèches du jour.
Près du guier frémissant des agneaux se reposent.
L'univers entier chante un hosannah d'amour.
L'aménité de vivre en cette heure est bien grande,
Bien puissante la paix que dispense le Sort,
Bien noble la bonté de la terre en offrande :
Et vraiment l'on défie en souriant la mort.