La prison c'est d'abord une odeur . Quelque chose d'invraisemblable pour les olfactifs délicats . Un mélange : rat crevé , pisse de chat , moisissure , merdes diverses , pieds douteux , gaz d'éclairage en fuite , mégots froids et puis la soupe aux choux , surie quotidienne . Pour lier l'ensemble , le crésyl désinfectant de l'administration . Il vous traque , ce parfum indéfinissable , " Soir de Santé " , " brise de Rungis " . Faut se débarrasser vite de ses fringues pour le chasser , une fois qu'on a en fouille le petit bulletin de sortie ......
C'est aussi , je n'oublie pas , la prison , des gueules , en lames de couteau . Des tas de gueules qui sont rassemblées là en vrac comme dans l'antichambre de l'enfer . Des tronches de malédiction qui viennent de la nuit des temps ! qu'on ne croyait plus que c'était possible , en plein XX° siècle , aux abords de la ville lumière ! On s'écarquille ... Du cauchemar moyenâgeux ! Du coquillard ! Du Bosch ! De la gargouille ! De l'idole asiate ! Gueules rasées au couteau de cuisine , Gueules de sournois , d'assassins blêmes , d'étrangleurs à la petite semaine . Gueules en lames de scie , en lame de couteaux , gueules en lambeaux de quatre coins du monde . Gueules sans yeux , sans dents , sans patrie ! Gueules d'ivrognes privés de picton , de tueurs aux aguets , de traqués , de torturés , triturés par le remords d'avoir loupé la rentière ! Gueules de bourreaux d'enfants ! ........
L’orage a cessé. Le ciel nocturne se dégage peu à peu le nord, vers Paris...la liberté ! Je profite à la fenêtre de cette odeur d’après-pluie que j’aime bien. Un mélange de terre humide et de rouille.
Il faut toucher le fond pour être lucide, et ça se paye autrement qu’avec des mots.