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Critique de mh17


L'édition folio 2 euros comprend trois nouvelles : le Brasier du Khan (1924) L'Ile pourpre (1924) et J'ai tué (1926).

Né à Kiev en 1891 dans une riche famille russe, Boulgakov a d'abord été médecin. Il est mobilisé dans la guerre contre l'Allemagne puis il est enrôlé dans l'armée blanche. Il devient un témoin privilégié de la guerre civile fratricide, des exactions de Petlioura qui le traumatisent, et de la révolution bolchevique qu'il accepte comme un moindre mal, sans jamais perdre sa lucidité. Boulgakov apprend la sévère défaite des Blancs, le 15 février 1920, près de Vladicaucase où il est stationné. Cette nouvelle est pour lui une révélation : la cause des Blancs est irrémédiablement perdue, le monde ancien n'est plus. Il abandonne la médecine et se met à écrire. Tout au long de la décennie, Boulgakov écrit près de deux cents récits publiés dans des revues littéraires ou des journaux. Dès ses débuts, il se distingue par son langage critique, teinté d'une ironie féroce et, très rapidement, la censure s'attaque à ses oeuvres.


Dans le Brasier de Khan, le vieux serviteur Jonas Vassilitch doit remplacer la guide officielle, atteinte d'une rage de dents et faire visiter le domaine de Khanskaïa Stavka à un vulgaire groupe de « touristes ». On y trouve des adolescents en costume kaki, des jeunes filles en chemisette de matelot, d'autres en sandalettes. Et puis un nudiste entre deux âges, muni d'un pince-nez. le vieux Jonas fulmine car tous ces gens ne respectent rien. le soir venu, des pas résonnent du côté de la salle de billard…
Cette nouvelle est fameuse. On marche d'abord dans les pas du vieux serviteur, dépassé . Il n'est pas vraiment sympathique. Il est plein de préjugés, il n'a pas évolué d'un iota depuis le Moyen-Age. Il est cruel avec son chien « César » qui n'a pas su défendre le domaine. Et il souhaite la mort de la guide. Les jeunes visiteurs révolutionnaires en tenue militaire sont grossiers, dépenaillés, vulgaires et irrespectueux. le « nudiste » (qui ne l'est pas) représentant de l'extrémisme de gauche est caricaturé. Ainsi que la culture officielle en la personne d' Ertus Alexandre Abromovitch, chargé de relater l'histoire des Tougaï-Beg dans la ligne du marxisme-léninisme. Boulgakov semble regretter l'ancien monde, tout en étant très lucide. Deux solutions : émigrer (comme ses frères, comme Nabokov ) en emportant le souvenir de l'ancien monde intact ou essayer de survivre dans le nouveau.


L'Ile Pourpre est une nouvelle satirique, plus tard transformée en pièce de théâtre qui valut à Boulgakov bien des ennuis. Elle est difficile à déchiffrer sans aide extérieure. Mais avec une deuxième lecture on perçoit bien toute l'ironie du texte.
Elle ressemble dans sa forme à une parodie de la littérature prolétarienne qui utilisait alors des personnages de la littérature européenne pour fabriquer des textes socialistes. La nouvelle est sous-titrée « Roman du cam. Jules Verne, Traduit du français en langue d'Ésope par Mikhaïl A. Boulgakov ». Les noms utilisés pour les lieux, les personnages ainsi que certains événements sont tirés d'oeuvres populaires de Jules Verne (surtout les Enfants du capitaine Grant). Boulgakov décoche des flèches bien aiguisées au colonialisme raciste franco-anglais et à l'hypocrisie occidentale en général. le vaisseau Espérance du célèbre Glenarvan a découvert l'ïle située dans le Pacifique. Grâce aux quelques notes de la traductrice on comprend que L'île pourpre c'est la Russie rouge. Les Efiopiens sont le bon peuple russe (Les Rouges) , Les Nègres blancs sont les représentants de l'autocratie et de l'orthodoxie. Les Nègres de couleur indéterminée surnommés" fieffés" sont les démocrates sociaux. La nouvelle est divisée en trois parties.
1.L'explosion de la montagne qui soufflait le feu. ( le déclenchement de la Révolution). Au pied d'un volcan éteint depuis trois-cents ans, à l'ombre d'un palmier, le souverain Sizi-Bouzi siège dans sa parure d'arêtes de poissons et de boîtes à sardines, avec à ses côtés le grand prêtre ainsi que le chef des armées, Rikki-Tikki-Tavi. Les Efiopiens rouges travaillent à la culture des champs de maïs, à la pêche et à la récolte des oeufs de tortue. Lord Glenavan pose son drapeau sur l'île. Les Efiopiens s'emparent du drapeau pour se faire un pantalon. Et ils se font fouetter par le Lord anglais. Ensuite le Lord, accompagné du Français Ardan et Sizi-Bouzi entrent en pourparlers...après la catastrophe, le « génial »Kiri-Kouki (Alexandre Kerenski) ivogne patenté et Nègre fieffé se présente peinturluré de rouge et déclare « maintenant qu'on est devenu des Efiopiens libres, je vous dis publiquement merci ! le correspondant du Times est enthousiasmé et l'énorme foule qui n'y comprend rien crie Hurrah ! Kiri-Kouki a promis de distribuer à chacun de la vodka, qu'il importait contre du maïs du pays. Cela a entraîné une pénurie de nourriture et des troubles parmi les Efiopiens rouges et, un soir, l'île entière explose. Kiri Kuki s' enfuit et le monde entier est choqué après avoir reçu un télégramme du correspondant du « Times » qui se trouvait sur l'Île Pourpre : « Depuis cinq jours wigwams nègres en feu. Nuée Efiopiens (illisible) Escroc Kiri en fuite...(illisible) ». Et le surlendemain, nouveau message bien lisible envoyé d'un port européen : « PEUPLE EFIOPIEN A DECLENCHE BOUNT GRANDIOSE. ILE EN FEU, EPIDEMIE PESTE. MONTAGNE CADAVRES. ENVOYER AVANCE CINQ CENTS. LE CORRESPONDANT.
2.L'Île en feu.( La guerre civile).
3. L'île pourpre. (La Russie soviétique).
A la fin fusent sur toutes les stations de radio, le message suivant : ÎLE ÊTRE THEÂTRE BAYRAM PROPORTIONS ÉNORMES STOP DIABLES BOIVENT EAU DE VIE DE COCO !
Après quoi La tour Eiffel reçoit une émission d'éclairs verts…

J'ai tué . La nouvelle la plus simple et la plus directe du recueil. Elle se situe à Kiev pendant la guerre civile, entre 1918 et 1921. « De tous les occupants qui sévirent à Kiev, rappelle la traductrice, les plus cruels à l'encontre des civils furent, selon Bougakov, les séparatistes ukrainiens dont le leader était Simon Petlioura ».
D'après le narrateur, le docteur Iachvine n'avait rien d'un médecin moscovite. Toujours impeccable, raffiné, un peu poseur, fréquentant les théâtres, l'opéra, fervent lecteur...On dirait évidemment Boulgakov. Visiblement traumatisé par un événement survenu le mardi 1er février (1920) le docteur Iachvine avoue qu'il a tué. Et de raconter avec le plus grand calme à ses confrères moscovites les circonstances terribles et tragiques durant lesquelles il a tué délibérément un colonel qu'il était censé soigner.
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