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Citations sur La délivrance de Tolstoï (5)

L'antique sagesse hindoue enseigne que l'homme doit passer dans sa vie par deux chemins, celui du Départ et celui du Retour.
Sur le premier, l'homme ne sent que sa "forme", son existence périssable et matérielle, son "moi" séparé du reste du monde ; il est restreint aux limites de sa personnalité qui ne porte en soi qu'une parcelle de la Vie Universelle ; il est mû par l'intérêt personnel ; puis cet intérêt s'étend non plus à lui-même, mais à la vie de sa famille, de sa tribu, de son peuple, et sa conscience se développe, il a honte du profit personnel, bien qu'il soit encore possédé par le désir de "s'emparer" (pour lui-même, pour sa famille, pour son peuple).

Sur le chemin du Retour, les frontières entre son égoïsme et ses aspirations altruistes s'effacent , le désir de "prendre" disparaît et à sa place se développe de plus en plus le désir de "rendre" ce qui a été pris à la nature, aux hommes, au monde. Ainsi commence l'existence spirituelle de l'homme dans la fusion de sa vie avec celle de l'Univers.
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Un peu de précision sur l'attachement de Bounine à Tolstoï qui n'est pas le fruit du hasard

Léon Tolstoï est un des thèmes de la vie et de l'oeuvre de Bounine.
Lecteur passionné de Tolstoï depuis sa jeunesse jusqu'à ses derniers jours Bounine ne compte plus le nombre de fois qu'il a pu relire les grands romans Guerre et paix, Anna Karénine ; en octobre 1933, il relit Résurrection pour la dixième fois. Son admiration porte aussi sur les nouvelles ou récits : Bonheur conjugal, le Père serge, Kholstomer, ainsi que sur le journal. Il n'y a guère que Qu'est-ce que l'art ? qui suscite quelques réticences.

Tolstoï est entré dans la vie de Bounine comme un membre de la famille : le père de Bounine a rencontré Léon Tolstoï pendant la guerre de Crimée et parle souvent du grand écrivain à son fils. De 1894 à 1898, par amour pour l'écrivain Tolstoï, Bounine est allé au peuple, a travaillé chez un tonnelier, a vendu des brochures tolstoïennes et a même connu le "plaisir" de se faire arrêter. Paradoxalement, c'est la première rencontre avec Tolstoï qui va mettre fin à ce beau zèle. Ce jour là, auprès du grand aimé, Bounine se sent justifié, investi comme écrivain et non comme militant ; il reçoit le baptême de l'écriture. La dernière rencontre de Tolstoï et de Bounine à Moscou met en scène deux écrivains, l'un accompli, l'autre disciple :

"je ne saurais dire l'année où je l'ai vu dans la rue Arbat à Moscou, un soir d'hiver.
Je ne me rappelle pas non plus tout ce qu'il m'a dit, mais je me souviens qu'il m'a demandé si j'écrivais.
-Non, lui répondis-je, je n'écris presque rien. et tout ce que j'ai écrit autrefois me paraît si insignifiant que je préfère ne plus y penser.
- Mais oui, répondit-il avec vivacité, je le connais bien ce sentiment là.
- Et puis je ne sais pas sur quoi écrire, ajoutai-je.
Il me jeta un regard indécis puis, comme se souvenant de quelque chose :
- Comment cela ? Si vous ne savez pas sur quoi écrire, écrivez que vous ne savez pas sur quoi écrire et pourquoi. Cherchez quelle est la raison de cette absence de sujet et décrivez-là. Oui, oui, essayez-vous à cela, dit-il avec fermeté.

Ainsi, l'écrivain Bounine naît dans l'ombre du Maître Tolstoï. Mais ce n'est pas avant 1917 que Bounine rend un hommage vibrant et original à "son grand homme" dans son ouvrage La Délivrance de Tolstoï -tentative de définition du génie tolstoïen.
Texte de Claire Hauchard
Institut national des langues et civilisations orientales

(...) Bounine ajoute ceci qui me paraît intéressant :
"Au point de vue de la "vérité", le style de Tolstoï est tout à fait extraordinaire et unique dans la littérature russe; Il est entièrement dépouillé de tout embellissement littéraire, de tout procédé, de toute convention ; il surprend par sa hardiesse, sa liberté et sa précision ; chaque mot est toujours de rigueur".

Je ne sais pas si on peut dire que le style de Tolstoï est entièrement dépouillé de tout embellissement littéraire, il y a tout de même beaucoup de poésie, dépouillé de toute emphase, toute boursouflure, d'excès métaphorique, c'est sûr. Dépouillé de toute convention : son style est épique, presque biblique.
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-Veux-tu dire comme tout le monde qu'il était changeant, instable ?
- Ce n'est pas cela ; je veux dire qu'on n'a pas su bien le comprendre. En somme, il a toujours été le même et n'a pas changé. A lui seul, il était composé de Natacha Rostova, d'Erochka, du prince André, de Pierre, du vieux . Volkonsky, de Karataïev, de la princesse Marie et du cheval Kholstomère. Sais-tu ce que Tourgueniev a dit après avoir lu Kholstomère ? "Lev Nikolaïevitch, à présent, je suis tout à fait convaincu que vous avez été un cheval ". Bref, pour le comprendre, il fallait toujours tenir compte de son extrême complexité.

(Ilya Lvovitch fils de Tolstoï était devenu l'ami de Bounine)
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Un éclairage de Jeanne Gucker, professeur à l'université de Nancy II.

"La libération de Tolstoï" échappe à la classification traditionnelle des genres littéraires. Ni analyse critique de l'oeuvre de Tolstoï, ni mémoires personnels de Bounine et de ses contemporains, ni journal ; c'est à la fois un peu tout cela et surtout, une lecture "amoureuse" de Tolstoï. Il est probable d'ailleurs que cette forme libre de l'oeuvre soit la plus apte à rendre la complexité et les contradictions de Tolstoï. Bounine ne cesse d'insister sur cet aspect du caractère de celui que l'on s'est le plus souvent efforcé de cataloguer de façon arbitraire et réductrice. Il répète encore et encore les affirmations de Ilyia Lvovitch, son ami, disant de son père "qu'on ne pouvait jamais le comprendre jusqu'au bout (...), qu'il fallait toujours le comprendre de manière très complexe (...), qu'il changeait d'idées comme de chemises." ; celles de Ekaterina Lopatina disant "qu'il porte en lui cent personnes différentes". Il s'élève contre l'opposition simplificatrice d'un Tolstoï "voyant de la chair " et d'un Dostoïevski "voyant de l'esprit", développée par Merejkovski ; ou celle d'un Cinelli, jugeant Tolstoï à l'aune de Saint François d'Assise, pour en donner l'image contraire. Bounine s'efforce de faire table rase des clichés ..

Oui c'est très juste tout ça et bien dit ..
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Non seulement l'espace, le temps et la causalité sont les formes de notre connaissance, tandis que le sens de la vie se trouve en dehors d'elles.
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