Citations sur Beaux Rivages (91)
Parfois je me demande si le bonheur existe, s'il existe vraiment, ou si nous en avons juste l'impression, la sensation, comme si quelque chose s'arrêtait en nous et que nous nous regardions à l'intérieur en nous disant : je suis heureux, je suis heureuse, je peux l'affirmer car je le ressens, dans mon corps, sous ma peau, ça pulse, file, c'est du flux qui se propage ; mais c'est juste un moment, un instant, un très court instant.....
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Je ne crois pas au hasard, rien ne vient par hasard, tout est lié, se répond, s’encastre jour après jour comme dans un jeu de dominos.
(...), l'amour est imprévisible. Il survient quand on ne l'espère plus, disparaît alors qu'on le jugeait acquis. Il est sans prise et sans durée, sinon celle que l'on veut bien lui prêter. Il est cruel. Il y est souvent question de sacrifice. Je ne crois pas que l'on puisse mourir d'amour, mais sa perte nous éteint et nous devenons sans lui des pierres sèches, grises.
J'ai souvent pensé que ma capacité à souffrir était égale à ma capacité à aimer. Que chacune de mes larmes répondait à chacun de mes rires. Que chacun de mes tourments répondait à chacune de mes convictions. Que chacune de mes craintes répondait à chacune de mes certitudes. Que ma peine glorifiait ma joie. Que ma défaite honorait ma victoire passée. (...) En perdant, j'ai appris à reconquérir, non l'autre, un autre, mais toutes les parts de mon coeur pulvérisé. (p. 245)
Il n’y a pas de vie sans risque, non, pas de vie, ou alors on reste chez soi, à l’abri du danger, alors que le vrai danger est à l’intérieur de nous, c’est là que ça craint, sous l’oreiller, dans le sable, les yeux fermés, les mains sur les oreilles, c’est quand on ne veut plus rien savoir que la vérité dévore.
Chanter étant un signe de résistance selon ma grand-mère; elle m'avait souvent parlé du mystère de la nature, des oiseaux fous avant les grandes marées d'équinoxe qui chantent tandis qu'approche la catastrophe. (p. 75)
Je ne sais pas si le bonheur est un, entier, large et unique, ou s'il est constitué de fragments poétiques - l'odeur de l'herbe après la pluie, le premier jour de l'été, un champ de coquelicots, un ciel d'arrière-saison, un glacier bleu, la certitude de faire partie d'un tout qui avance d'un seul élan, aime d'un seul amour.
On sera toujours seuls, quoi qu’il arrive, c’est ainsi, c’est le destin de tous les humains, au départ comme à l’arrivée, c’est pour cette raison que l’on a inventé l’amour, tantôt comme une distraction, tantôt comme un graal à conquérir.
Je ne sais pas si l'on peut mesurer, quantifier le bonheur. Si l'on peut le saisir comme un objet, le serrer contre soi, l'empêcher de tomber. Je ne sais pas s'il y a des signes ou s'il survient sans prévenir.
(...) il était beau, ou plutôt toujours aussi beau, en dépit de tout ce qu'il s'était passé; j'avais cru à tord que l'Autre l'aurait enlaidi, mon absence attristé.