AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Lieux (4)

Les tablées sont immenses, elles sont encore ce qu’on a trouvé de mieux pour lutter contre la faux dehors dedans, lui opposer une masse qu’elle mettra plus de temps à réduire, lui donner à couper non pas deux jambes mais des centaines, ça n’arrêtera rien mais ça ralentira, on va dire ça, on aligne des visages le long des assiettes, de leurs couverts, ça parle et puis ça hurle mais c’est seulement parler un peu plus fort que le voisin et puis le vin a réchauffé le dehors comme le dedans pendant que la buée prenait son temps pour repeindre le monde de l’autre côté des fenêtres immenses de gris, on ne voit plus que les halos que font les réverbères, les ombres que sont les fumeurs, il y a toujours des chaises vides même quand tout le monde est assis et que ça commence, on a compté trop large, on attendait peut-être ceux qui ne viendront plus, on a essayé de les attirer, de faire comme si, les chaises resteront vides et même si l’un ou l’une des invités se pose dessus quelques minutes après quand le chambardement des discussions aura commencé elles resteront des chaises vides, on le sait bien, elles servent à ça, marquer dans les lignes qu’on fait les traces de ceux tombés, c’est un combat, c’est grande bataille, on connaît ça, on ne gagne jamais mais on se bat, les plats arrivent, il faut manger, personne ne lutte le ventre creux, les serviettes finiront froissées toutes découpées en minuscules confettis par quelques mains nerveuses, parfois ce sont des miettes de pain aussi, parfois il n’y a rien que l’assiette récurée le verre vidée les couverts croisés, la nourriture qui restera ne se jette pas, elle terminera dans ces grands seaux et puis plus tard dans les cochons qu’on mangera une autre fois, mouvement perpétuel, on lavera demain la salle dévastée, allons dormir il est bien tard, là-bas déjà cette ligne blanche c’est l’aube lasse très en retard.
Commenter  J’apprécie          10
Du bois avant qui meurt donc dans l’étang, s’y mire tel un malade amant, on peut dire encore qu’on y trouve une poignée de maisons en ruines dont les murs effondrés, les briques mangées, font un mystère hantant qu’on entrevoit de la route entre les fûts et leur parade. Il arrive que des promenades dominicales, des errances de mercredi aussi, y mènent. On approche, la conversation faite jusque-là de rires, d’éclats de voix, de ces petites bousculades d’enfants servant à s’éprouver, à voir si l’autre existe bien, est là en réalité avec nous, se calme, diminue son volume sans que rien, vraiment, ne l’explique. Peu à peu, sans y prendre garde, on ne le remarquera qu’en repartant, quand on reviendra à la normale, on se met à chuchoter et dans l’oppressante immobilité des hêtres bientôt il n’y a plus que les craquements mous des branches mortes pourries dessous les pas, le bruit plus fort qui suit l’enfoncement dans l’un des trous cachés dessous, on s’en sort bien, jamais une seule cheville foulée, c’est étonnant, on entre maintenant et c’est parfois de quelques marches qu’il faut monter, escaliers morts, nulle rambarde, c’est un vertige, il n’y a plus de toits. Les fenêtres découpent dans le gris rouge des cloisons des yeux aveugles ou presque qui clignent comme le vent à peine de l’autre côté fait remuer de surprenantes branches vertes. Dans les recoins, des amas de gravats achèvent de fondre. On ne sait pas ce que c’était, on préfère ne pas traîner, on s’éloigne finalement rapidement, retrouvant à quelques mètres un chemin qui va tout droit déboucher sur le ban sans doute d’un autre village et pour cela on ne le suivra pas, ailleurs n’est pas ici, ce ne sont vraiment pas endroits pour nous. Derrière, comme on s’éloigne, les maisons mortes qu’on abandonne restent debout et dignes, ne racontent rien, ne cèdent pas. On imagine.
Commenter  J’apprécie          00
La conversation a repris quelques minutes avant de s’éteindre comme on passait la forêt qui est verrou sur la vallée qui vient. Ensuite, l’horizon jusqu’alors un peu bouché d’arbres rugueux à force de vents, de bruines, de pluies à rideaux de dentelle, de gels à faire tomber le ciel dans des fracas courant au fond des bois, se dégage légèrement, va en s’élargissant : c’est à chaque fois l’image d’une grosse bête s’étirant qui émerge et qu’on laisse venir puisqu’on sait bien que la repousser ne sert à rien, ne fera rien naître d’autre que la même toujours qui pousse du museau et fait bien ce qu’elle veut. La route est à présent plate et quasi droite nonobstant un déhanchement qu’elle ne retient même pas pendant qu’on passe un étang puis un autre et le troisième ensuite, lui le plus vieux dissimulé comme il le peut derrière ses haies déplumées puisque le temps passe dessus sans jamais se lasser. Là-bas, un arbre seul cache un calvaire de pierres blanches dont la croix usée penche de toutes parts – des voitures viennent régulièrement le pousser de leur nez, c’est la ligne droite qui rend les conducteurs imprudents, il n’y a jamais eu de mémoire d’homme que de la tôle froissée et beaucoup plus de peur que de mal mis à part donc le calvaire que chaque choc délabre un peu plus et fait ressembler de loin à un bonhomme tordu par la dérive de son âge. Des chemins débouchent de toutes parts qui arrivent de nulle part, y amènent tout de même quand une promenade les prend sans trop savoir pourquoi. Un ruisseau vient aussi qu’on n’a pas vu surgir, longeant le gravier sans faire plus de bruit que cela. Il pleut des cordes toujours et c’est un tissu droit, les nuages sont d’un mercure casqué de noir avalant chaque regard d’un unique coup de glotte.
Commenter  J’apprécie          00
Il n’est aucune raison de passer par ici, les routes autour plus droites et larges permettant à présent où qu’on aille d’y être rendu sûrement plus vite. Pour aller là, on ne peut être que quelque touriste égaré, tant rares que cela n’arrive pas ou si peu que tout le monde est vite au courant, en parlera un moment, l’événement constituant de quoi largement soutenir quelque conversation de comptoir, d’entre voisinage ; soit donc être d’ici, il faudrait dire de là, et y rentrer, rentrer chez soi le plus simplement du monde, une fois la journée de travail mangée ou, aussi et de plus en plus avec le mouvement qui a conduit à la désertification des campagnes, parce que l’on revient pour les vacances, à l’occasion de quelque occasion justement dont le calendrier est empli à bords ras, fête familiale, mariage, enterrement, moments dont on ne sait que dire sinon qu’ils conduisent à d’ailleurs venir, attraper un train dans la gare de verre où courent voyageurs et pressé de même un vent coulis, traverser le pays de part en part aussi facilement que si l’on se contentait d’aller dans la rue d’à côté, arriver dans l’autre gare curieusement posée au milieu du nulle part immense entre deux villes voisines se détestant, attendre l’auto de qui s’est dévoué, suivre donc l’une des nationales qu’on quittera un peu plus tard en bifurquant après la petite ville qui est comme toutes les villes de même mourante et enfin arriver quand on commençait à se dire que décidément ça n’en finissait pas cette route, ce tortillement, ces virages derrière lesquels sont d’autre virages, finalement, arriver là.
Commenter  J’apprécie          00




    Lecteurs (5) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les plus grands classiques de la science-fiction

    Qui a écrit 1984

    George Orwell
    Aldous Huxley
    H.G. Wells
    Pierre Boulle

    10 questions
    4883 lecteurs ont répondu
    Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

    {* *}