Un jour, Jean Cayrol m'avait rassurée : « On ne connaît pas souvent l'histoire que l'on va raconter, mais peu importe. Le livre est déjà là, en toi. L'écriture n'est rien d'autre que de tirer sur ce fil caché. »
En ces temps-là, le leur et celui de mon enfance, la littérature avait un tel prestige qu’elle échappait aux contingences banales, c'était un effort sans peine, un supplice sans douleur, forcément une grâce.
Les vrais riches étaient les propriétaires de l'étage noble, qui en avaient hérité. Ils avaient leur entrée sous le porche et ne passaient pas par la cour. Mais, anciens ou récents, tous les propriétaires voyaient enfler leur capital simplement en respirant, à mesure que la spéculation s'emparait du Marais.
Elle n'avait rien de si extraordinaire que de réunir en elle tous les détails délicats et morceaux de bravoure - les boucles blondes, le nez petit, retroussé, la bouche en abricot, les fesses rondes et relevées, la poitrine haut tenue - que la plupart des garçons recherchaient alors, dans des proportions discrètes et qui faisaient courir l'imagination. Il n'y avait pas en ce temps d'accès gratuit et illimité aux archives du sexe, ni la profusion d'extravagances pornographiques qui jaillissent maintenant de tout ordinateur, à volonté.