Citations sur Je dis ça, je dis rien (25)
« Oh, regarde, on dirait un espèce d’œuf de Pâques ! »
PAR PITIÉ, répandez la bonne parole ! On ne dit pas UN espèce, JAMAIS, même sous la menace, pour la simple et bonne raison que ce mot est féminin. Oui, vous savez, « une espèce », tout bêtement, quoi qu’on lui colle derrière même si c’est Chuck Norris. Donc : « Tiens, on dirait UNE espèce d’œuf ou une espèce de terroriste de l’expression », mais jamais « un ».
« Il n’y a pas de sous-métier. »
S’il est vrai qu’il n’y a pas de « sous-métier », pas plus que de « sur-métier » ou de « mi-métier », il convient surtout de souligner que cette expression n’existe pas, puisqu’elle est une déformation phonique de la locution originelle « il n’y a pas de SOT métier » (dans le proverbe : « Il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que de sottes gens », de M. Le Roux de Lincy). « Paraît qu’y a pas de sot métier, moi j’fais des trous dans des billets », chantonnait d’ailleurs Gainsbourg dans son Poinçonneur des Lilas, pas sot ni soûl, donc.
« Par contre tu vois, à la fin, j’ai pas bien compris ton trip sur les expressions malmenées. »
Faute pardonnable s’il en est, mais qu’il convient de souligner néanmoins : l’expression « par contre » n’existe pas. À la place, on dit « en revanche », pour marquer l’opposition de manière correcte. Enfin, on fait ce qu’on croive être bien, quoi.
« Le gouvernement devrait prendre ses responsabilités comme même ! »
Difficile à envisager avant de l’avoir vu écrit, et pourtant, pour nombre de commentateurs du Web, « comme même » existe. Inexplicable, la confusion avec l’assez inélégant « quand même » est pourtant assez fréquente pour la consigner dans cette warning-annexe. « Comme bien même » ce signalement remettrait dans le droit chemin une seule brebis égarée, il eût alors débarrassé l’Internet de l’un de ses furoncles visuels.
« Pas très sexy, ta prez ! »
Dans notre société du paraître, tout doit être glamour, sexy… Si bien que le monde du travail s’est lui aussi emparé de ce mot fourre-tout pour l’appliquer à des concepts aussi insolites que des slides, des compte-rendus ou des discours d’inauguration. « Dis donc, tu me reprendrais ton paragraphe sur le droit fiscal pour me le rendre un peu sexy ? » Pas de problème. Mmh…
« Salut tout le monde !
– Salut toute seule ! »
On ne peut pas dire que ce tic lourdaud de la machine à café date d’hier et pourtant, même en 2013, vous trouverez toujours un glousseur à chemisette synthétique pour vous sortir ce qu’il imagine être une trouvaille. Alors que gentiment, vous lancerez à la cantonade dans l’open-space un innocent « salut tout le monde », l’assaillant répliquera, déjà ravi, le fameux et indéboulonnable « salut toute seule ». Se passe de commentaire.
« Je suis dans le rush. »
Comme « charrette » et « sous l’eau », quand on est « dans le rush », on est à la « bourre grave », donc en retard en retard, ou en tout cas submergé par une masse de travail qui nous emmène malgré nous dans son flot dangereux et angoissant, lequel empêche forcément d’envoyer un texto à son conjoint pour le prévenir qu’on sera en retard, ou d’appeler sa mère pour son anniversaire. Bah oui, c’est le RUSH, on a dit.
« Je n’ai pas pu venir ce matin, j’ai rencontré un impondérable. »
Si « impondérable » signifie bien « événement difficile à prévoir », le fait de le « rencontrer » reste soumis à une logique assez obscure, qui pourrait bien avoir été totalement inventée par des utilisateurs peu scrupuleux. Pensaient-ils alors faire croire à leur boss que, se rendant avec leur sérieux habituel sur leur lieu de travail, ils sont alors rentrés en collision avec une force obscure qui se serait présentée à eux (« Hello, je suis un impondérable ! Hop hop hop, on s’arrête, là ! ») avant de les empêcher d’honorer leur devoir professionnel quotidien ? C’est bien possible, tant ce phénomène de la rencontre fortuite coupe court à toute discussion.
« J’aime beaucoup cette technique d’apprentissage pratico-pratique. »
Très lourde expression tautologique qui, semble-t-il, signifierait que la technique d’apprentissage en question ferait appel à la pratique, et rien qu’à la pratique, d’où sa qualification de « pratico-pratique » (comme dans « franco-français »). Mot-valise redondant et étrange, à rapprocher d’« au jour d’aujourd’hui » qui, lui, contient une double tautologie puisque « aujourd’hui » en était déjà une…
« C’est JUSTE sublime ! »
Très prisé des femmes et des ados, le « juste » est introduit dans une phrase prononcée de manière saccadée et emphatique, afin de bien marquer l’arrivée du superlatif final (qui sera toujours très excessif). Genre (air inspiré) : « Ta jupe à trous est JUSTE… PARFAITE ! » Autant le dire, ce malmenage injuste du juste est juste… insupportable !